« Les villes, que nous habitons, sont les écoles de la mort, parce qu’elles sont inhumaines. Chacune est devenue le carrefour de la rumeur et du relent, chacune devenant un chaos d’édifices, où nous nous entassons par millions, en perdant nos raisons de vivre. Malheureux sans remède nous nous sentons bon gré mal gré engagés le long du labyrinthe de l’absurde et nous n’en sortirons que morts, car notre destinée est de multiplier toujours, à seule fin de périr innombrables. A chaque tour de roue, les villes, que nous habitons, avancent insensiblement l’une au-devant de l’autre, en aspirant à se confondre, c’est une marche au chaos absolu, dans la rumeur et le relent. A chaque tour de roue, le prix des terrains monte et dans le labyrinthe engloutissant l’espace libre, le revenu du placement élève, au jour le jour, un cent de murs. Car il est nécessaire que l’argent travaille et que les villes, que nous habitons, avancent, il est encore légitime qu’à chaque génération, leurs maisons doublent d’altitude et l’eau vînt-elle à leur manquer un jour sur deux. Les bâtisseurs n’aspirent qu’à se soustraire à la destinée, qu’ils nous préparent, en allant vivre à la campagne. »
Albert Caraco, Bréviaire du chaos, L’Age d’Homme, 1982.

Je me demande si Baudouin de Bodinat que j’ai encensé ici (un peu abusivement peut-être) n’a pas lu d’un peu près Caraco, qu’il aurait recyclé et adapté au « Peu d’avenir que contient le temps où nous vivons »…
Il est temps de rouvrir TOUT Caraco.

[Une présentation d’Albert Caraco – « homme courtois, approuvant toutes les sottises et se gardant de paraître plus savant ou plus spirituel qu’il ne l’était » – par Philippe Billé et une évocation par Roland Jaccard)]

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.

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Patrick Corneau