Vous ne connaissez pas Frédéric Schiffter, Philosophe Sans Qualités, alias le Nihiliste Balnéaire? Vous n’avez jamais rencontré ce Samy Frey de la Désillusion Gaie? Alors, il vous manque une pièce pour comprendre un certain paysage de l’âme (dans lequel il faudrait ajouter des personnalités aussi improbables que Clément Rosset, Roland Jaccard, Frédéric Pajak, Jérôme Leroy). Et donc de cliquer là pour accéder à l’un des blogs les plus rafraîchissants qui soient sous le ciel plombé de la spleenosphère, lequel distille une secourable mélancolie « voluptueuse passion triste. Preuve qu’il n’y a de véritable humour que rabat-joie » estime F. Schiftter. Vous y lirez entre autres joyeusetés une définitive disqualification du kitschnietzschéen Onfray et de ses coups de marteau en balsa explosés par un missile conceptuel nouveau: le « riquiqui » dont Frédéric Schiffter expose les prolégomènes ainsi:
« Après avoir développé dans mes opuscules les concepts de chichi, de blabla et de gnangnan, je m’achemine vers l’analyse d’un concept nouveau: le riquiqui — que m’inspirent, je le confesse, bon nombre de mes contemporains, des proches, des moins proches, certains auteurs, des gens de la tévé, de la presse écrite, des blogueurs, etc.
Brièvement: si le mot désigne, mettons, un type ou une bonne femme n’ayant ni envergure, ni talent, ni charme, ce type ou cette bonne femme attirent cependant l’attention sur eux tout autant qu’une personne qui, elle, a de l’allure, du style, de la personnalité. Il y a une puissance d’apparaître ou de manifestation du riquiqui qui, le plus souvent, l’emporte sur celle de la grandeur. Sans doute cela tient-il à ce que la grandeur s’oblige à une pudeur et à une ironie sur soi-même, vertus que le riquiqui, par essence, ignore.
Dans quel registre, dès lors, ranger le concept de riquiqui?
Dans la mesure où il recèle les notions de mesquinerie, d’étroitesse, de bassesse, de vulgarité, de bêtise, d’inculture, de prétention, de ressentiment, on songe à en faire une catégorie éthique. Une attitude, un geste, un comportement, une parole dénotent le riquiqui d’un quidam. Soit. Mais on voit par là que s’il signale une manière d’être, le riquiqui se comprend aussi comme concept esthétique. Le riquiqui se définit alors comme une forme de laideur due à une poliomyélite de la sensibilité. À l’origine, le sujet riquiqui souffre à raison d’un sentiment pénible de microgénitomorphisme psychique (il se dit qu’il a un tout petit kiki à l’âme) et, à la faveur d’une mystérieuse alchimie, ce complexe d’infériorité se mue en morgue, en pédantisme, en señoritisme. Chez le sujet riquiqui féminin, affligé d’un déficit de séduction, cela se traduit par un bovarysme mièvre et agressif. »
J’invite donc mes lecteurs à se reporter sans tarder à la rubrique « Remarquable riquiqui » de « Frédéric Schiffter, Philosophe Sans Qualités » où leur seront soumis « des cas concrets de pareille difformité caractérielle ».
Georges Perros disait que « la bêtise ne prend un sens qu’éclairée par une intelligence qui la pourchasse. Au lieu de lui demander aide ». On ne peut mieux dire la démarche de Frédéric Schiffter, écrivain qui préfère être un homme à paradoxes plutôt qu’un homme à préjugés.
Illustrations: Blog de Frédéric Schiffter