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« Je parle surtout du New York où j’ai vécu, à la fin des années 1970, ville battante et vibrante, en constante réinvention. J’habitais au seizième étage, près de l’Hud­son, dans Horatio Street. Je venais là deux fois par an, je faisais semblant, pour l’argent, de donner des cours de littérature à l’université, en réalité je vivais ma vie en désordre. J’ai été très heureux avec quelques Européen­nes, Chinoises, Noires, Colombiennes ou Portoricaines, dragues faciles et sans histoires, aux antipodes des puits de névroses des Américaines, ces grandes malades du blocage mondial. Un simple flirt, et c’est tout de suite l’inflammation, la demande en mariage, l’horizon juri­dique, l’alcool, les plaintes, l’agressivité, les pleurs. Le puritanisme américain n’a pas bougé d’un millimètre, et a réussi à produire cette nouvelle religion : femmes mariées et remariées à enfants, liftings et pensions alimentaires d’un côté, homosexualité masculine de l’autre. Quand je revenais chez moi, le soir, vers Greenwich Avenue, le sabbat gay battait son plein, avant d’être dévasté, quelques années plus tard, par la propagation du sida. Inutile de dire qu’il ne fallait pas penser (sauf deux ou trois fois) dormir ou se reposer chez une New-Yorkaise. Hostilité instinctive, féminisme préenregistré, dictature plombante des mères, psychanalyse bidon, vague bal­butiement de philosophie pour rire, pseudo-bouddhisme, ignorance arrogante, frigidité compulsive, bref morale et encore morale, routine d’enfer. Il ne doit rien se passer de gratuit ou d’essentiel entre un homme et une femme, sinon c’est l’obscénité. Morality and money. » Philippe Sollers, Trésor d’amour, Gallimard, 2011, pp. 20-21.

Toute ressemblance avec la réalité est à imputer à cette dernière. Jorge Volpi

Illustration: photographie Martin Ujlaki/Flickr

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Patrick Corneau