« Et je dis non
Je dis non aux miasmes et marasmes et à tout ce qui rampe et glisse et se décompose. Je dis non aux paroles en beurre avec tous les honneurs, prix des prix, médailles, promotions, nomenclatures, carrières diverses et de sable. Je dis non aux nargues et venargues et subardes à l’air conditionné. Je dis non aux cabotons pieds de biche, archivoltes, croupions et portails, jarretelles et jarretières et collants intégraux. Et je dis non au gros, au détail, aux tarifs, aux clients, au débit, au crédit, aux factures et l’escompte. Je dis non aux affaires fructueuses, au lugubre, à la lie. Pas d’argent, pas de sang. Je dis non à tout ce qui se dérobe clandestinement à la folie naturelle. Je dis non à la suie, à l’axonge et la panne et la glu et le lard et l’anus et les écoulements-excréments et les boucheries des animaux innocents. Je dis non à la basse-cour, à la Haute Cour, les bombyx, les bombements. Je dis non aux concubinages et mariages et lois contre les trigames, adultères en babouches, en culottes trop serrées pour femmes en état de grossesse.
Je dis non aux regards fuyants et aux bouches suçoirs.
Je dis non aux stratégies amoureuses, aux ogives nucléaires, aux missiles et fusées mortuaires. Je dis non aux duplicatas.
Je dis non à l’Etat.
La culture ou l’ordure? Je suis contre. Je dis non aux manies cérébrales, aux visages détournés, aux rivières desséchées.
Je dis non aux écorcheurs, procureurs, professeurs, ordinateurs, aux musées et aux râteliers. Il y a oui pour le non. Il y a poésie et poésie. Il y a eau minérale et eau minérale. Il y a cérémonies. Il y a tout le fourbi. Il y a le roussi. Il y a la folie.
Poète maudit par le monde, je marche sur cette terre, sur ma terre, humiliée, estropiée, condamnées, et mes jambes tremblent d’effroi. »
Paul Valet, in Jacques Lacarrière, Soleils d’insoumission: Paul Valet, Jean-Michel Place Poésie, 2001, p. 88
Paul Valet est né à Moscou en 1905, de mère polonaise et de père ukrainien. Il deviendra pianiste de concert, et en 1924, quand sa famille s’installe en France, renonce à la vie de musicien, fait des études et devient médecin, puis médecin homéopathe, métier qu’il exercera à Vitry-sur-Seine jusqu’en 1970. Maquisard et résistant dès 1941, son père, sa mère et sa sœur finissent à Auschwitz. Il publie en 1948 son premier recueil de poème. Il s’appelle Georges Schwartz, il décide de signer Paul Valet parce qu’il se voulait, dit-il « au service exclusif de la poésie ». Titres de ses recueils: Sans muselière, Poésie mutilée, Poings sur les i, La parole qui me porte, Paroles d’assaut, enfin Soleils d’insoumission. Il meurt le 8 février 1987.
Merci pour cette page, référence extra. Je cherche le bouquin!
Oui, les pépites il faut les trouver….
Mais ici il n’y a que des pépites. Incroyable. Moi aussi je commande le bouquin …