ferliprots.1294843726.jpg480_16489_vignette_luchini3.1294844008.jpgOuvrant la Revue Des Deux Mondes de janvier, je me précipite sur le « Journal littéraire » du sagace Michel Crépu et je lis cette charge sur Luchini. Un peu « interpellé » (comme on aurait dit il y a trente ans), je vous la livre:

« En ce qui concerne Fabrice Luchini, il me semble que le moment est venu de dire les choses nettement.
Luchini, ce Gnafron, ce nain terrifiant, cette négation du théâtre. Portant en breloque ses origines modestes de garçon coiffeur, comme si c’était là un privilège particulier, on se demande bien pourquoi. Les fils de notaire et les pharmaciens de province n’ont-ils pas droit aussi à porter leurs origines en breloque? D’ailleurs, quel est le problème? Car enfin, on se moque bien de savoir si Fabrice Luchini était coiffeur ou astrologue. S’il vient d’Italie ou bien de Java. Ce qu’il y a surtout: son moi hystérique et vociférant se met sans cesse en travers du texte qu’il est censé servir. Toujours, c’est le même message. Non pas « écoutez-moi ça », mais « voyez comme je sais le dire ». Qui n’a pas entendu Fabrice Luchini dire les dix premières pages du Voyage au bout de la nuit de Céline? Un discours de marchand de poissons, crié d’un bout à l’autre. Pourquoi? Pourquoi ce cri pénible, sans modulation, sans note, sans couleur, ou bien toujours la même, un prétendu noirâtre célinien qui ne restitue absolument pas la palette de l’auteur de Mort à crédit? Luchini dit actuellement du Philippe Muray, à l’enchan­tement des foules, paraît-il. À la fin du spectacle, on peut acheter un volume des essais de l’auteur. Pauvre Muray, érigé désormais en harangue perpétuelle, réduit à un pseudo-rôle de défunt grandiose du politiquement incorrect. La finesse féroce de Muray, dernier swiftien identifié au XXe siècle, remalaxée pour les besoins idéolo­giques d’un bateleur. C’est une réduction, c’est triste. »

Illustration: Photographie ©Thomas Brémon.

  1. Natacha S. says:

    Je comprends que Luchini agace. Pour la Suisse-Belge que je suis, il a un tel débit que je peine souvent à le suivre. Oui, c’est son interprétation qui prime, comme celle d’un chanteur ayant mis des poèmes en musique. Mais il donne envie de retourner au texte, les bouscule et les rafraîchit!

  2. Breuning Liliane says:

    « Vous ne savez à quel point vous me rendez service en ayant publié l’article de Michel Crépu. Je m’apprête en effet à lire un texte de Philippe Muray à Strasbourg à la BMS de la rue Kuhn ce samedi 15 janvier 2011 à 14 heures, texte qui s’intitule « Sortie de la libido, entrée des artistes » et il a été publié dans « Exorcismes spirituels III » p.23. Nous avons monté un groupe de lecture de textes, absolument gratuit, ouvert à TOUS sans distinction d’aucune sorte. Ceux qui ne désirent pas lire de textes, peuvent venir simplement assister à la lecture. Je vais donc citer le texte de Crépu en première partie de lecture, parce qu’il prend à rebrousse-poil la Luchinomanie, et surtout parce qu’il va rendre tous les lecteurs conscients du ridicule et j’irais jusqu’à dire du danger qu’il y a à se mettre sans arrêt en travers des textes qu’on prétend servir alors que l’on ne sert que son moi propre.
    Merci encore pour votre blog que je suis toujours avec beaucoup de plaisir et tous mes voeux de bonne et fructueuse année. Liliane Breuning

  3. Rodrigue says:

    Qui n’a pas été séduit par les interprétations de Luchini du « Voyage au bout de la Nuit » mais aussi par d’autres auteurs (La Fontaine ou encore Barthes)… apparemment pas Monsieur Crépu. Néammoins son attaque est basse: en effet, un comédien doit être jugé sur son travail. Le reste ne nous intéresse pas. Luchini est effectivement très contestable lorsqu’il parle de son alter égo « Robert », mais cela ne remet pas en cause sa valeur lorsqu’il parvient à se renouveller

  4. J’ai vu Luchini déclamer sur scène « Voyage au bout de la nuit » et c’était, à la longue, pénible.

    On finit par espérer qu’il ne touchera pas à tel ou tel auteur qu’on aime. Son appropriation en devient obscène.

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Patrick Corneau