h_4_ill_652682_05052208_blogsx1pe_web.1260106067.jpg« Dumontier s’est lâché. Les vitres du Comptoir des Saints-Pères résonnent encore de sa véhémence.
Les blogs ! Les blogs ! il n’y en a plus que pour ça. Voilà que les radios sont envahies de chroniques sur les blogs. France Info et France Inter à présent! Mais qu’est-ce qu’on en a à faire? Les gens s’expriment, bon! Ça les regarde. Si ça permet à tous les paumés de peupler leur solitude, grand bien leur fasse! Mais on ne va pas disséquer ça pour des millions de gens pendant des heures!
Clémence Dufour, comme toujours, a joué la conciliation
– Oh! vous savez, cela permet sans doute aux journalistes d’occuper l’antenne sans beaucoup se fatiguer. On va gloser sur les idées des autres, c’est moins dur que d’en trouver soi-même. Surtout, on prend moins de risques, on se sent à l’abri!
Jeanne Corval n’est pas du genre à cacher ses états d’âme.
– Eh bien moi, ça m’intéresse beaucoup! D’abord, les blogs chroniques par les radios sont souvent très origi­naux, ou très drôles. Ça change de la grisaille ambiante de l’information et du politiquement correct. Et puis les blogueurs ne sont pas des paumés, comme vous le dites. Peut-être parfois des gens un peu seuls, mais qui ne l’est pas ?
– En tout cas, reprend Clémence, il y a dans les blogs un ton de vérité, d’authenticité qui dépasse la simple conversation. Les gens se livrent vraiment. Pourquoi refuser cette occasion d’entendre ce que les humains ont profon­dément envie de faire entendre?
L’opposition devant témoins est plutôt stimulante, sur­tout lorsque l’on est aussi soupe au lait que Dumontier. Particulièrement sensible aux réticences du camp féminin, il ne pouvait décemment battre en retraite
– Eh bien bloguez, bloguez si ça vous chante. Tout le monde pousse son petit cri dans son petit coin. Pendant ce temps les entreprises délocalisent, il n’y a plus de retraites, de moins en moins de sécurité sociale. Mais ça ne fait rien, tout le monde s’exprime! »

hmorganlettrine2.1260209717.jpg« Scène de comptoir » extraite du roman de Philippe Delerm Quelque chose en lui de Bartleby, pp. 37-38, 2009, Mercure de France. D’après le romancier, la gent féminine aurait l’humeur plus « blogueuse » que la masculine. Ce que semble, effectivement, vérifier une incursion dans la blogosphère.

Illustration: dessin de Pessin pour Le Monde.

  1. Zoë says:

    En quoi les blogueurs dérangent-ils ceux qui sont en place dans les médias ? Justement parce que ce moyen très démocratique d’expression place en abîme la supériorité auto proclamée des zélites. Et que personne n’a (pour l’instant du moins) de permission à obtenir de qui que ce soit. Vive le blog libre. Et bonne année

  2. anne says:

    je ne sais pas pour les blogs en général, ni pour les blogs féminins, mais enfin ce sont bien pourtant les hommes, d’habitude si avares de mots, qui ont libéré leur parole sur internet, tchats ou blogs, ils se sont mis à parler, et parfois très intimement : c’est bien la grande révélation de l’internet et c’est très bien
    sinon, j’aimerai parfois que les indignations effectivement sortent de l’espace virtuel pour se faire entendre haut et fort dans la rue et dans l’espace public laborieux, la grande toile peut aussi être un enfermement, hélas

  3. Ce Philippe Delerm, qui ne craint pas une allusion à Melville dans son titre (à moins que ce ne soit plutôt à Johnny Hallyday), crachote par personne interposée sur les blogs : c’est un plaisir minuscule qu’il s’offre au lieu d’une gorgée d’une bière belge qui lui remonterait plus fortement l’esprit.

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Patrick Corneau