hmorganlettrine2.1259745970.jpgLes « glaneurs » ou la pauvreté ordinaire, étrangement qualifiée d’actualité « presque intemporelle » par Laurent Delahousse, comme si cette détresse était un rendez-vous saisonnier comme les soldes ou le Beaujolais nouveau, comme si la crise n’était pas passée par là… ou comment banaliser l’intolérable, réifier le scandaleux, le figer en une fatalité presque intemporelle.
Un exemple parmi d’autres qui fait dire à Giorgio Agamben que de nos jours, l’expérience du monde ne peut plus être sentie: « Car l’homme contemporain, de même qu’il a été privé de sa biographie, se trouve dépossédé de son expérience; il se pourrait même que l’incapacité de produire et de transmettre des expériences est l’une des rares choses qu’il sait sur sa propre condition*. » Ce malaise résulte de l’affaiblissement et de la désintégration du lien existentiel qui, en chacun de nous, crée une forme authentique d’être. Nous n’habitons plus nos expériences, elles sont ailleurs. Elles ont été mises à distance par des objets désensibilisants ou des médiations infinies (mass media, internet, etc.). L’existence ainsi vécue à travers ces filtres se caractérise par le détachement, la scission, la fragmentation, l’indifférence ou l’étrangeté. La réalité est fracturée, ce qui explique pourquoi l’expérience n’est plus accessible.
Mais peut-être la vivante espérance, qui appelle la générosité, nous enjoint-elle de tempérer le scepticisme de G. Agamben? En ces temps d’après-bling il est urgent de remettre les défavorisés au centre du jeu
social sans les larmoiements bien-pensants, de prendre la précarité comme signe sacré du renversement des ordres, comme point de bascule du politique. Voeu pieux?

*Enfance et histoire: destruction de l’expérience et origine de l’histoire, Payot, 2000.

Illustration: Vidéo extraite du Journal de 20 heures, dimanche 29 novembre, France2.

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Patrick Corneau