De l’identité nationale à l’esprit national, il n’y a qu’un pas… glissant. Un regard rétrospectif sur l’œuvre de Joseph Roth permet de comprendre comment la crise économique de 1929 a favorisé la montée des idéologies extrêmes dans l’empire habsbourgeois et l’émergence d’un funeste « esprit national ». Dans Le don des langues Roth décrit les prodromes de cet esprit où il percevait un nationalisme méprisable au même titre que les cultures indigènes:
« L’esprit national, on le voyait nettement à la période dont je parle, était le produit et l’expression de la vulgarité d’âme de tous ceux qui constituent le niveau le plus vulgaire d’une nation moderne. Il s’agissait d’ordinaire de photographes qui étaient aussi volontaires dans le corps des pompiers, de prétendus peintres auxquels l’absence de talent avait interdit de trouver une patrie à l’académie des Beaux-arts, et qui de ce fait étaient devenus peintres d’enseignes ou tapissiers, d’instituteurs mécontents qui auraient voulu être professeurs, de préparateurs qui auraient aimé être docteurs en pharmacie, d’assistants dentaires qui n’avaient pu être dentistes, de petits employés des postes, du chemin de fer ou des banques, de garde-chasse et, d’une façon générale de tout ceux qui, à l’intérieur de chacune des nations de l’Empire austro-hongrois, prétendaient vainement à être pleinement reconnus au sein de la société bourgeoise. Peu à peu, les « classes supérieures » cédaient elles aussi, bien qu’à Vienne, Brünn, Prague, Czernowitz, Troppau, n’avaient jamais été que des Autrichiens, se mettaient alors, obéissant aux « exigences de leur temps », à se réclamer de la « nation » polonaise, tchèque, ukrainienne, allemande, roumaine, slovène, croate… »*.
Après deux guerres mondiales et la chute d’un mur, le prurit du nationalisme est toujours là, barbottant dans les eaux troubles du ressentiment et du calcul politique, prêt à refleurir sur le corps d’un pays malade. Rappelons à ceux qui obéissant aux « exigences de leur temps » doutent de la solidité de leur conscience identitaire que nous venons tous d’une même cellule, il y a trois milliards d’années! De quoi relativiser les débats contemporains sur le « désarroi identitaire », la « crise » de l’identité sexuelle, culturelle, chrétienne, européenne, etc.
*Joseph Roth, Le buste de l’Empereur, le marchand de corail (nouvelles), Le don des langues, Paris, Seuil, 1996.
Illustration: photographie villa Majorelle (Nancy) Dalbera/Flickr
Nous en sommes encore loin, mais à quand les notions de « nationalisme terrien », de « prurit planétaire » et d »identité galactique » ??
On reste toujours le nationaliste d’autre chose…
Oui, c’est exactement ça.
Le plus drôle – enfin, si l’on veut – est que Eric Besson soit né au Maroc et Nicolas Sarkozy de descendance hongroise : pour eux, les racines ont été coupées ras, dirait-on, et tout ce qui est étranger leur est… étranger !
Et de prodrome à progrom… Enfin bref.
Ce qui m’étonne quand même, c’est la diabolisation qui entoure ce débat. On peut être contre l’idée d’une identité nationale, obligatoire et xénophobe, et, dans le même temps, accepter d’y réfléchir sans intransigeance ni hystérie.
Or, on dirait presque que prononcer les mots d' »identité » ou de « nation » fait automatique basculer dans l’extrême droite.
Reprenons nos esprits !
Il ne devrait pas y avoir d’un côté les bons humanistes de gauche pour qui le débat est clos par définition et de l’autre les méchants fascistes de droite qui rêvent de bouffer de l’arabe sous couvert d’un faux débat.
Des idées qui circulent et qui nourrissent l’ouverture d’esprit, c’est possible ?