Regarder les choses avec une attention superficielle pour ne pas les casser.
Prendre le plus grand soin à ne pas les comprendre. Puisqu’il est impossible de les comprendre, je sais que si je les comprends, c’est une erreur de ma part. Comprendre est la preuve de l’erreur. Comprendre n’est pas la façon de voir. Les choses sont exemptes de la compréhension qui blesse.
Être cohérent c’est se mutiler.

Tout ce qu’on ne comprend pas se résout avec l’amour.

hmorganlettrine2.1250258532.jpgPeut-être Clarice Lispector nous donne-t-elle à travers ces « sophismes » la méthode pour entrer dans des univers apparemment aussi impénétrables que ceux de David Lynch (ou de Patrick Modiano pour la littérature). Parce que comprendre peut-être l’équivalent d’une clôture, d’une condamnation. Et ne pas comprendre, la surprise de la porte qui s’ouvre…
J’aime l’errance somnanbulique de Inland Empire ou de Mulholland Drive, j’adore me perdre avec l’héroïne, personnage à l’identité fictive, incertaine, sans rien comprendre. L’hypnose apaise, elle ouvre des portes à l’intérieur de nous-même, arrache des images aux chambres fermées de la psyché. De vieux rêves avortés entrent en résonance avec le flux filmique, nous laissant dans un état de conscience flottant entre rêve et sommeil. Nous dormons le film sans rien rater de ce qui se passe à l’écran. Les infra-sons des bruitages et de la bande sonore ne sont sans doute pas étrangers à ces transports et visions oniriques. Avec ce « collapsus » du temps qui laisse pantois et étrangement rasséréné quand les lumières se rallument. Sensation d’un temps mort pendant lequel nous avons traversé le miroir. Plaisir identique avec certaines musiques incantatoires: un solo de Coltrane qui creuse la « note bleue » ou un raga de musique indienne…

  1. nomade says:

    La méthode lispector me fait penser au « drill », qui lui a l’avantage d’éviter de comprendre sans avoir besoin de savoir lire ou écrire. Comprendre c’est réfléchir, donc réfléchir est la source de l’erreur, et ne pas réfléchir évite les mauvais coups, les punitions et les mutilations. Je parlais toujours du drill, bien sûr….

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Patrick Corneau