Non, ce n’est pas une toile de Soutine…
On a beaucoup glosé sur les déformations que Soutine introduisit dans sa peinture sans comprendre que le trait outré ne brise pas l’harmonie mais prend son sens ailleurs. Quelque chose que « nous » ne comprenons pas, est en fait compris ailleurs, autrement.
Une anecdote rapporte que Soutine prononçait le mot « beauté » avec une horrible moue de dégoût… Peut-être faut-il comprendre dans ce trait plus qu’une provocation mais toute la distance qu’il peut y avoir entre l’inquiétude des corps que met en scène sa peinture et la certitude italienne de la bellezza. Soutine incarne (au sens profond du terme) un art on ne saurait plus éloigné de la raison française qui, depuis Poussin, construit les corps comme on mesure des éléments d’architecture. Nous avons quelque peine à reconnaître qu’il y a une sorte d’inhumanité dans un type de perfection que l’Occident véhicule depuis la Renaissance. N’en déplaise aux humanistes, la précision anatomique va rarement de pair avec la commisération du cœur. Il y a de rares et belles exceptions: Rembrandt, Le Gréco, Bellini. La leçon sera comprise et poussée à l’extrême du supportable par Music dans ses admirables – et terribles – nus de Dachau . Au regard d’une esthétique née sur les bords de la Méditerranée, le Beau avait toujours été assimilé au Vrai. C’est une autre interrogation que pose cette esthétique née à l’est et au nord de l’Europe: que veut dire un corps agonisant? Quelle vérité, quelle ultima verba sourd des chairs affaissées? Que l’art n’est pas là pour rédimer les usures, les outrages du temps, mais pour nous rappeler, sans tarder, son empire.
« Pitié pour la viande! La viande est l’objet le plus haut de la pitié de Soutine, son seul objet de pitié, son immense pitié de Juif. »
Gilles Deleuze, Logique de la sensation.
A voir la très belle exposition Chaïm Soutine à la Pinacothèque de Paris du 10 octobre au 27 janvier 2008.
Illustrations: photographie anonyme, Soutine « La fille de ferme » (détail), 1919.
MUSIC & DANCE
L’artiste dit clairement
Tout le bénéfice de l’insoutenable
La punition exemplaire
Hors la lumière des nuits
La pitié est un luxe de mal-voyant
Ronde enfantine de l’inutile
Auto-commisération sans objet
Camouflage de l’hypocrisie
Les boléros sont de soie ou de satin
Les stylistes ajoutent des parfums
Aux évolutions du paisible
Sans un regard pour la valse
qUE VIVE et revive l’art sur le blogomusée ! Bravo à toi blographiste, qui mélancoli-le-net, je suis pour cette société virtuelle de la transmission !
(et vive la poésie aussi)
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