« Qu’un écrivain devienne quelqu’un ne fait que le réduire à la condition de cireur de chaussures. » (R. Walser)
Insupportable le narcissisme exacerbé et l’infantilisme maladif de la plupart des écrivains. Tout ce nombrilisme fait de plaintes immatures, de gémissements égoïques, de demande de consolation perpétuelle, de quête de reconnaissance chichiteuse est proprement asphyxiant et délétère. L’obsession gogolienne de la nullité, n’être personne au yeux des autres, pas plus qu’une mouche n’est décidément pas leur fort. On aspire à rencontrer des hommes « sans qualités » ayant choisi de se perdre dans les derniers recoins et les fissures de la vie, exemptés de ce monstrueux moi-même qui nous accable de droits et de devoirs. Pourtant il semble que ce délaissement soit bien le fonds de la condition humaine: une catégorie d’individus, de créateurs, s’est donné la détestable mission d’en faire le rappel incessant au reste de l’humanité, qui n’en peut mais…
Exemplaire la réponse de Woody Allen à un personnage de Scoop qui lui demande quelle est sa religion: « Je suis né dans la religion hébraïque, mais je me suis converti au narcissisme. »
Illustration: photographie de Régis Jauffret, écrivain, posant pour la couverture de Télérama (TRA n°2984) par Antoine Le Grand
Ce nombrilisme littéraire est aussi (et malheureusement) très français.C’est d’ailleurs certainement pourquoi Woody Allen (qui n’est pas dupe), rencontre plus d’écho en France qu’Outre Atlantique. Mais au moins possède-t-il l’élégance et la distance de l’humour. Ce qui lui permet d’échapper au destin de nos cireurs de chaussures.
La complaisance de l’intime est un spectacle curieux. Moi ! moi ! dit l’auteur. Moi ! moi ! hurlent les lecteurs. Ils ont reconnu l’oisillon sous la panoplie du paon.