Pour expliquer quel était son parti-pris esthétique Jean Grenier racontait souvent une histoire qui résume à elle seule plus qu’une esthétique, mais bien une stratégie de pensée: celle du détour, de l’écart ou du biais qui donne le bénéfice de l’accès.
C’est une peinture chinoise dont le titre est « Le passage des cavaliers dans la plaine ». Que voit-on sur cette peinture? Uniquement des papillons qui voltigent… Les cavaliers sont passés dans la plaine et ont soulevé le pollen des fleurs, alors les papillons viennent butiner. L’artiste chinois n’a représenté que les papillons.


Je déplore la disparition aujourd’hui des prosateurs qui, comme Jean Grenier, ne disent que les papillons, et nous laissent l’effort (et le plaisir) de deviner ce quelque chose que les papillons manifestent et qui leur est antérieur. Fécondité de l’allusif et de l’évasif dans l’exercice, jubilatoire, de la lecture.

Illustration: photomontage © Le Lorgnon mélancolique

 

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Patrick Corneau