Ridicule (Patrice Leconte) fut un film qui connut un succès d’estime. Peu ont vu ce que ce film avait de profondément critique à l’égard de la société française et de ses tares. Principalement, ce petit jeu tellement français: la « pointe ». Se rapprocher, venir au contact et piquer au bon endroit selon l’occasion. La petite phrase qui fait mal, la malveillance qui tétanise. Forme d’héroïsme bien de chez nous où il faut attendre son heure, être patient. Et puis le scorpion pique. Joie des jaloux, teigneux, insidieux, rancuniers, intrigants, ennuyeux, mal-aimés, narcissiques. Désir de sang. Réflexe pavlovien social, élevé à la dimension d’un sport national* qui fait dire à certains qu’ici bas a une odeur de moisi.
En France, le mot d’esprit (la « petite phrase ») remplace la pensée.

* Y compris sous la forme de la dérision et du rire « mortel » frôlant l’abjection quand on s’en prend sur certains écrans et canaux aux tares physiques, à la vieillesse d’un tel, à la petitesse de tel autre… Sinistre tradition pointée par Leconte dans la scène où l’on voit les courtisans de Versailles s’esclaffer devant deux enfants sourds-muets expérimentant le langage des signes inventé par l’abbé de l’Epée. Rappelons-nous aussi Victor Hugo et son roman L’Homme qui rit où le public se moque d’un handicapé de la face.

Illustration: photomontage le Lorgnon mélancolique

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Patrick Corneau