Patrick Corneau

La popularité n’épargne plus personne. J’en ai eu une preuve supplémentaire avant-hier soir avec l’émission de rentrée de « La Grande Librairie » sur France 5. Les invités étaient tous des stars littéraires dorées sur tranche, labellisés, auréolés de multiples quarts d’heure warholiens de célébrité cathodique. Mais comme dit Nathalie Quintane: « la notoriété casse les vies et rend stupide*« . Oui, ce que nous avons vu et entendu était consternant. Car s’il faut être « populaire », on voit que c’est un sacré boulet, si ce n’est un fieffé boulot…
Donc, popularité signifie (en France) nécessité d’être aimable en société télévisuelle, de sourire à tout le monde, c’est-à-dire assommer le présentateur comme le public de phrases gentilles, de réactions enthousiastes et gentilles, de ponctuer les interventions des concurrents par des commentaires consensuels et gentils. Toute cette gentillesse naufrageant irrémédiablement des livres qui, sans cela, auraient possiblement pu ne pas être pénibles… Derrière cette gentillesse (ef)forcée, il y a la nouvelle donne réticulaire avec la pression des réseaux sociaux, les chiffres de l’audimat et du marketing, le gling-gling des prix littéraires et, bien sûr, les inévitables impératifs financiers. Ces gentils écrivains le savent, mais Busnel vaut bien quelques risettes non?
Le « non-chapeau » d’Amélie Nothomb ne rattrapant décidément pas ce déluge d’ennui et d’opportunisme, j’ai zappé au bout de 20 minutes.
Ah, rudes empoignades des houleux et passionnants débats de Droit de réponse (Michel Polac, 1981), où êtes-vous?

* Ultra-Proust, Une lecture de Proust, Baudelaire, Nerval, La fabrique éditions, 2018.

Illustration: France Télévisions – France 5.

  1. pascaleBM says:

    Faut juste pas regarder. Et même l’envie de regarder « pour voir », pour voir qu’il ne faut plus y aller, (vous) passera très vite….
    Et plus encore qu’un « sacré boulet » doublé d’un « fieffé boulot » il n’en sort que de parfaits bulots… à commencer par le Bunel….
    « Ah, rudes empoignades des houleux et passionnants débats de Droit de réponse (Michel Polac, 1981), où êtes-vous? » : sur le site de l’INA, où pour moins de 3 € par mois, vous avez accès à tout, tout ce que la télévision (et aussi la radio) a pu produire et engrangé (Ina Premium), sinon, bien des « pépites » sont en accès libre. J’ai re-regardé, il y a peu une de ces émissions de Polac, la plus célèbre, celle où les cendriers volaient en escadrille…

    1. « Faut juste pas regarder », oui, bien sûr, mais hélas! je n’ai pas votre sagesse. Je fais partie de ces masochistes qui pratiquent la télévision, ses émissions, journaux, séries, etc. « qu’ils analysent haineusement, tout en ne réussissant jamais à tourner le bouton » comme je l’ai écrit quelque part. Là, j’ai tout de même « tourné le bouton ». Je crois néanmoins comme le pensait Baudrillard qu’il faut tout voir (comme lire de tout) – rien de pire que la fermeture solipsiste qui vous isole de tout et vous rend le monde encore plus incompréhensible. Trouver une juste distance: un pied dans le monde tel qu’il est ET hors, de manière à préserver une pertinence et liberté de jugement sinon on « gamberge ». Il faut boire (un peu) la lie pour apprécier le nectar… (Mais je ne me cache pas non plus une possible jubilation à observer la dégringolade générale). 😉

  2. pascaleBM says:

    Je suis très très loin de la fermeture solipsiste… Et j’aime me faire (un peu) mal en regardant la télévision : certaines séries françaises, bien ficelées, les italiennes et les anglaises ; je regarde de plus en plus rarement les journaux, mais quelques émissions politiques pour vérifier mon degré de tolérance à la langue de bois et au baratin, et, chaque fois, il frise le zéro. Mais, en matière de ‘livres’, on ne dit même plus littérature, écran noir. Impossible. Heureusement il y a la presse écrite, papier et internet.
    Pas sûre que ce soit de la sagesse de ma part. C’est infiniment plus terre à terre… dès que je comprends que ce temps passé à écouter des nullités est du temps que j’aurais pu passer à lire ou à écrire, je coupe tout. Les journées ayant moins de 24h, il faut bien dormir un peu, et le temps nous étant compté… j’ai fini par acquérir un réflexe d’économie. Et, chaque fois, c’est en pestant tout haut contre moi que j’éteins. Ça marche…
    Je vous assure, abonnez-vous à l’INA Premium. Vous passerez d’excellents moments…
    Bien à vous

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Patrick Corneau