Dernièrement le marigot médiatique a été fortement agité par des réactions enflammées au mot « fainéant » employé au sommet de l’Etat. Étonnamment, beaucoup de Français se sont sentis concernés (je n’ai pas dit « cons cernés »!), ce qui prouve qu’ils ont bien quelque chose à se reprocher et que, quelque part, le mot a fait mouche.
Qu’est-ce qu’un fainéant dans le contexte franco-français d’aujourd’hui?
Sans prétendre ventriloquer qui vous savez, ce pourrait être (conditionnel de rigueur) un Français qui préfère rester dans ses chaudes pantoufles idéologiques, garder les œillères de ses idées préconçues (et souvent obsolètes, mais peu importe), qui préfère son petit confort d’assisté (soixante ans d’État providence: Mes acquis! mes acquis!) à l’imprévu de la vie telle qu’elle est ou devient – bref, un individu peu enclin à sortir au grand air de la RÉALITÉ, forcément froide, décevante, en un mot, nulle.

En avançant quelques notions d’étymologie, on pourrait se risquer à dire que c’est aussi un imbécile. En effet, le mot « imbécile » dérive d’in-baculum, qui signifie « privé de bâton ». De fait, les « fainéants » sont aussi, à leur manière, des « gens » (Mélenchon) qui réclament un bâton pour avancer dans la vie – bâton fait d’indemnités, de compensations, d’aides, de régimes spéciaux, de prestations, de protections sociales toujours plus nombreuses, ruineuses et inamovibles.

[J’ai parfaitement conscience que la teneur polémique de cette entrée très conjoncturelle de mon abécédaire pourra avoir des effets de climax et anti-climax les plus opposés – il faut en imputer la responsabilité à Jupiter soi-même.]

Illustration: photographie de Ed van der Elsken, « Manifestation communiste en 1949, place de la Bastille ».

Prochain billet le 16 septembre.

  1. Pascale BM says:

    Suis un bel exemplaire de fainéantise, aussi je ne vais pas me fatiguer beaucoup….
    [Juste dire que le latin nous apprend que l’imbécillité a quelque chose à voir avec la faiblesse, physique d’abord. Mentale, psychique, intellectuelle… bien plus tard. Et plus tard encore une connotation péjorative, les autres étaient « neutres ».]
    oufff, n’en peux plus!

  2. serge says:

    Votre texte s’éloigne des marqueurs idéologiques de la « gauche ».
    Avec vos provocations vous prenez le risque de vous couper de tout votre lectorat sympathisant de la CGT, des insoumis, des retraités SNCF, du conseil économique et social; ça fait du monde.
    Je viens d’en apprendre une bien bonne.
    Certains commentateurs de la prose macronesque reprenaient le mot « feignant » au lie de « fainéant ». Alors un linguiste s’est permis de rappeler que le feignant feint de travailler mais il ne fout rien et culpabilise un poil tandis que le fainéant assume parfaitement son état et ne fout rien dans la plus parfaite sérénité.

      1. Pascale BM says:

        peut-être y avait-il un brin d’ironie de la part de Serge dans la liste du « lectorat » qui pourrait ne pas acquiescer à votre texte? c’est ainsi que je l’ai lu. Un petit point d’exclamation aurait-il arrangé l’affaire?

        [Les linguistes feraient bien de poursuivre leurs efforts… le sens des mots usuels est massacré, et leur nombre grandit de jour en jour]

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Patrick Corneau