1134hmorganlunettesJ’ai toujours pensé que pour aimer Paris il faut lever la tête, décoller son regard du bitume (hélas, ce que ne font pas la majorité des Parisiens pressés et affairés), regarder les façades (alors l’architecture et ses trésors s’offrent à vous) et, si possible, au-delà: les vastes ciels, les merveilleux nuages, si beaux, si changeants…
Ci-dessous un hommage vibrant et jubilatoire au fleuve ciel qui surplombe notre capitale par Ludovic Janvier, romancier, essayiste et poète, né en 1934 à Paris où il s’est éteint le 18 janvier 2016.

« Mais le plus vrai de tes boulevards, Blanqui ou Pasteur ou Pereire, le plus clair de tes avenues, Mozart ou Suffren ou Gambetta, le plus beau de tes rues, Lecourbe ou Charonne ou La Fayette (je les nomme pour le chant, pas pour le charme) ça n’est pas le trottoir foulé par le traînard, ça n’est pas le cordon de bitume ou d’asphalte entre les immeubles, non, entre les immeubles le plus précieux c’est la route de ciel et de vent, le chemin en l’air, le chemin dans l’air tel qu’il est découpé et tranché par la rue ou le boulevard ou l’avenue. Rythmé par eux. Infiniment variable grâce à eux. Les vrais Champs-Élysées, ils sont au ciel qui coule et plane au-dessus de l’avenue des Champs-Élysées, grande saignée de clair dans le cadastre. Bref, la plus belle avenue dans Paris c’est le fleuve de ciel à disposition au-dessus du marcheur guidé partout par l’alignement des immeubles et les rives des toits, autant de quais là-haut vers l’éther. Avec un peu de regret mental convenons-en: Vive Haussmann! On a dit longtemps que la versification avec ses lois exaltait la trouvaille et donc le plaisir, en poésie. Paris est une ville versifiée. Où la jouissance venue du ciel est exaltée par ces alignements qui empêchent et contiennent et cadencent. Le firmament immense à l’infini, quel ennui au bout du long moment d’admiration béate et sans bornes! Alors que le récitatif de ciel obligé par les masses variées de l’harmonie urbaine, quel délice renouvelé vu la retenue structurelle et donc la frustration permanente! Ici j’ai la flemme de développer, et puis je crains votre fatigue. Et d’ailleurs calmons-nous, car cette jouissance a son côté sombre, son négatif incontestable. Non? »
Ludovic Janvier, Paris par cœur, Fayard, 2016.

Il  arrive au Lorgnon mélancolique de lever les yeux vers le ciel…
(cliquez sur l’image pour accéder à la galerie « Ciels de Paris »)

Ciels de Paris

Illustrations: photographies ©Lelorgnonmélancolique.

Laisser un commentaire

Patrick Corneau