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Il y a, pendant la pluie, une certaine obscurité qui allonge tous les objets…

Capturehmorganlettrine2Liliane Breuning m’a récemment (et obligeamment) signalé un très beau texte de Joseph Joubert sur la pluie lu lors d’une émission sur France Culture par Philippe Beck où il s’entretenait sur « Poésie et silence  » avec l’historien Alain Corbin.
Ce blog étant « d’abord et avant tout » un lieu de partage, je vous propose ce texte rafraîchissant et sa version sonore.

« Sans l’accompagnement du chant de la cigale, le tremblotement de l’air, en été, au soleil et pendant la grande chaleur, est comme une danse sans musique. Il y a, pendant la pluie, une certaine obscurité qui allonge tous les objets. Elle cause, d’ailleurs, par la disposition où elle oblige notre corps à se placer, une sorte de recueillement qui rend l’âme plus sensible. Le bruit qu’elle produit, en occupant continuellement l’oreille, éveille l’attention et la tient en haleine. L’espèce de teinte brune qu’elle donne aux murailles, aux arbres, aux rochers, ajoute encore à l’impression causée par ces objets.JOUBERT
Enfin, la solitude et le silence qu’elle étale autour du voyageur, en obligeant les animaux et les hommes à se taire et à se tenir à l’abri, achèvent de rendre pour lui les sensations plus distinctes. Enveloppé dans son manteau, la tête recouverte, et cheminant dans des sentiers déserts, il est frappé de tout, et tout est agrandi devant son imagination ou ses yeux. Les ruisseaux sont enflés, les herbes plus épaisses, les minéraux plus apparents ; le ciel est plus près de la terre, et tous les objets, renfermés dans un horizon plus étroit, semblent avoir plus de place et plus d’importance. Les odeurs sont comme les âmes des fleurs : elles peuvent être sensibles dans le pays même des ombres. »
Pensées, essais et maximes de J. Joubert (1754-1824).

Remerciements à Liliane Breuning.

Illustrations: photographie overthemoon Flickr / origine inconnue.

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Patrick Corneau