J’ACCUSE L’AUDIO-GUIDE :

 

– D’infantiliser le public des musées en le ravalant à la condition d’éternel écolier (ne peut-on jamais être ignare tranquille?) ;

– De l’empêcher d’aimer/détester selon sa propre sensibilité – si peu éduquée, informée soit-elle ;

– D’occulter un dialogue librement personnel c’est-à-dire candide, rêveur, imaginatif, délirant, fantasmatique, mystique (ou incrédule) avec les œuvres ;

– De conforter la mainmise des experts, donneurs de leçons et autres messieurs (ou dames)-je-sais-tout sur nos pauvres vies ;

– D’imposer une lecture des œuvres réductrice voire simpliste – en général formatée à l’aune de la seule histoire de l’art et/ou d’une psychologie perceptive rudimentaire;

– De diffuser en fond un chuchotement odieusement nasillard importunant les méditations de l’esthète face aux œuvres ;

– De provoquer de malsains attroupements autour de tonitruantes conférencières insupportablement esthético-assertives ;

– D’engendrer des grumeaux humains devant les cimaises ralentissant la libre circulation du visiteur dans l’espace muséal ;

– De susciter sur le visage des « idiots-guidés » une expression de stupeur (au mieux), de stupidité (au pire) désobligeante et/ou disgracieuse ;

– De consolider l’asservissement général du public aux outils techniques.

– Heureusement il n’y a pas (ou il y a peu) d’audio-guides dans les centres d’art contemporain pour la rassurante et reposante raison que les œuvres ou installations présentées dissuadent ou interdisent tout commentaire à leur égard par principe ou simple impossibilité intellectuelle.

J’ai clairement conscience du caractère élitiste de mes accusations qui pourront paraître injustes. Je n’éprouve aucune culpabilité ni désir de repentance.

Illustration: Document Le Louvre.

  1. gmc says:

    les historiens d’art sont une espèce très amusante: l’autre jour, j’en ai rencontré deux dans un salon du livre et tous deux se sont révélés incapables de me dire pourquoi l’emblème d’apollon était le dauphin, ce qui est quand même le fondement de leur discipline, eu égard non seulement à la position sociale d’apollon mais aussi à la filiation directe avec la culture antique grecque que revendique l’intelligentsia occidentale…(faites l’expérience, vous verrez^^)

  2. Sylvie says:

    Je viens de lire, en simultané, votre blog sur les audioguides et un article sur  » la galaxie Wikipédia » écrit par Nathalie Savary, dans le Débat, de mai-aout 2012, dont le titre est  » le livre, le numérique »;
    y sont mises en avant les diverses réalisations de Wikimédia avec les institutions culturelles, dont notamment les musées, plus particulièrement le château de Versailles où, je viens de l’apprendre a été reçu en résidence un « wikipédien » en 2011 ayant comme mission une exploration des possibilités nouvelles de médiation culturelle à travers, entre autres, le Web 2.0.
    Serait-ce une réponse, des pistes pour sortir de cet ennui savant et savamment distillé par les audioguides ? C’est, en tous les cas, très prometteur et donne très envie d’en savoir plus.

  3. Totalement d’accord avec vous sur ces prothèses (heureusement non encore obligatoires) distribuées ou louées (!) à l’entrée de certains musées pour nous seriner la bonne parole.

    Je ne prends jamais ces engins, désirant rester libre (car, en plus, il faut suivre le parcours de A à Z ou de 1 à 246) de mes divagations, de mes pensées et des coups de tête.

    Ce genre de GPS muséographique, j’espère qu’il n’y en a pas au Louvre-Lens dont la « muséographique » semble plus ouverte !

  4. Louise Blau says:

    Vous pourriez élargir le sujet aux guides en général qui, ayant une fâcheuse tendance à se recopier les uns les autres, vous proposent un discours formaté sur ce qu’il d’autre avoir vu lorsqu’on « fait » le Pérou ou Katmandou (exemples au hasard) cette peur de manquer, de paraître ridicule, etc. Je ferais volontiers une exception pour le guide Joanne (;) qui il est vrai n’allait pas à Katmandou … Au moins ne font-ils aucun bruit, à l’exception des pages qui tournent. Bon, et puis peut être un peu d’amour du prochain… Il arrive aussi, parfois, qu’il y ait des gens remarquables, meme chez les guides, ce qui ne m’empêche pas d’éviter les visites guidées. le problème vient peut être autant du public que du conférencier.
    « l’idéal » me parait etre, lorsqu’on visite un musée, un monument, une expo) de :
    -voir dabord pour laisser parler ses yeux, ses sens, son imagination, ses connaissances plus ou moins enfouies (GMC c’est pas très gentil, dans toutes les professions, il y a des moments d’oubli, d’hésitations, de doute, et il vaut mieux parfois le dire – plutôt que de faire semblant de savoir
    -lire, relire, chercher pour mettre à jour ses connaissances, acheter, consulter les catalogues
    – et puis revenir, lorsqu’on le peut et lorsqu’on en a envie, parce que rien ne remplace le contact direct avec l’œuvre

Laisser un commentaire

Patrick Corneau