Parce qu’il ne faut en rien insister et que même la mélancolie ne saurait devenir une habitude ou, pire, une attitude, car comme le pensait Gaston Bachelard pour être supportable et même bénéfique, elle se doit d’être « sans oppression, songeuse, lente, calme » comme « une mare dans la forêt humide » (L’eau et les rêves). Aussi m’a-t-il semblé que cinq années (1er billet daté du 22 novembre 2006) étaient plus que suffisantes à encombrer l’esprit des lecteurs de « lorgnoneries » entre pincement au cœur et bile noire. L’écueil véritable étant la « ronchonnerie », mélange de ressentiment et d’acrimonie. J’ai le sentiment de la frôler de plus en plus souvent (et peut-être, face à l’affaissement généralisé, attire-t-elle irrésistiblement le guetteur mélancolique comme une sorte de « pot au noir » mental?), il est temps de prendre le large, de se mettre en quête de la volta do mar et son merveilleux péril. A mes lecteurs fidèles ou de passage, je souhaite donc ce que disait le capitaine à ceux qui restent sur le quai:

Bonne traversée!

  1. Cédric says:

    « Bonne traversée » également…

    Bien qu’on puisse se demander ce qu’il peut bien y avoir à traverser… Peut-être un peu ou beaucoup de « non-envie » avant de retrouver l’envie ? 😉

    Je viens d’écrire quelque part :  » Infinir…mais ne jamais s’éterniser… » Je dépose ça ici comme un écho qui ne résonnera peut-être pas.

    Par contre, je vois votre chat « triste », si on est « triste » de partir, c’est qu’il ne faut pas partir !!

  2. pradoc says:

    Méfiez-vous, il est presque plus dur d’arrêter de bloguer que de bloguer !
    Vous risquez de ressentir des syndromes de manque d’ici quelques semaines quand marchant dans la rue, il vous semblera avoir une idée à faire partager…

  3. Bonne traversée, bonne traversée… quand on sait ce qui nous attend sur l’autre rive !
    Arrêter ce blog ? Du coup, c’est moi qui devient mélancolique, mécontente. Je ne veux y croire. Alors gaffe ! J’attends de pied ferme les Déménageurs bretons ! 🙂

  4. JMT says:

    Mélancolie.
    Je la voudrais aussi légère, désinvolte et « douée » que celle de Coelio dans Les Caprices de Marianne à qui Octave demande (Acte I, scène 1) : « Comment se porte, mon bon Monsieur, cette gracieuse mélancolie? » écriviez-vous dans votre premier billet le 22 novembre 2006.
    Une moitié de décennie plus tard comes the end of your melancholy affair.
    Vous m’avez ravi, plu, ébahi, enchanté, émerveillé. Merci.
    Celui qui reste sur le quai.

  5. V. says:

    Nous sommes observateurs distants (mais attentifs) de votre traversée, évidemment solitaire, et de ce qui vous occupe. Une lucarne du temps peut peut-être suffire à étendre le regard, non? Même posé sur un banc de sable votre petit vaisseau à encore de quoi dire. A bientôt.

  6. arlette says:

    Monsieur Le Chat
    Nous ne pouvons nous passer d’un ronronnement quotidien même si d’une patte de velours les griffes ne sont pas loin
    A bientôt .

  7. joelminois says:

    Si c’est votre désir profond, il y aurait un certain mauvais goût à s’y opposer mais j’espère que ce n’est qu’un serment d’ivrogne ! En tous cas, merci d’avoir si souvent évoqué l’homme aussi admirable que mal connu, Jean Grenier donc.

  8. Vous laissez, n’est-ce pas, l’ensemble de vos publications?
    Y revenir en votre absence ne vous éloignera pas tant que cela.
    Vous nous ferez donc, je l’espère, ce plaisir.
    Bien à vous,
    Olivier V.

  9. Rodrigue says:

    Merci en tous cas de nous avoir permis de nous exprimer ! Et je serais heureux de retrouver votre blog si vous avez de nouveau envie de reprendre l’expérience. D’ici là, bon vent pour la volta

  10. k.role says:

    ah ? dommage…j’arrive quand tout s’achève alors.. j’espère cependant que vous laisserai ce blog et tous les trésors qu’il recèle, en libre accès.
    bonne route à vous

  11. delorée says:

    Dommage pour nous, monsieur Lorgnon. Vous nous quittez au moment où la mixture tellurique commence à bouillonner. Votre avis nous aurait enchanté. Mais comme vous êtes le contraire d’un imbécile, après avoir fait infuser davantage vous reviendrez. Quand le son deviendra aigu, vous jetterez à nouveau une girafe à la mer !
    Bien cordialement.
    delorée

  12. Une femme de coeur à la mâchoire carrée et avec piolet à la ceinture. says:

    Cette fin de traversée sans toi, mon Lorgnon, est ennuyeuse mais tellement captivante. Tout ces paquets de néants bleus autour de moi m’enivre.
    Mon lorgnon, toi et moi, nous savons comment toutes les traversées finissent. Je continuerai à traîner ici, sur ton blogue gisant, ma longue robe blanche pleine de bleus.

  13. Une femme de coeur à la mâchoire carrée et avec un piolet à la ceinture. says:

    Ah ! Anna, faisons que ce blogue agonisant accompagne notre traversée. Je vous vois faire des petits signes sur le pont. Cela ne sert à rien. Lorgnonmélancolique aimerait ça.

  14. Une femme de coeur à la machoire carrée et avec un piolet à la ceinture says:

    Je me nourris presque exclusivement de blogue mort. Et celui-ci est excellent.

    1. delorée says:

      Le piolet ouvre la voie vers les sommets. Mourir asphyxié en gravissant le roc vaut tous les ravins du monde, dirait le contre-chinois à l’oeil clair rebondissant sur les bons fonds. Et en maîtrisant l’usage de l’italique dans les commentaires, ce serait encore plus clair, je dois l’avouer, Monsieur Multiplexe. La fidélité des infidèles est sans failles. Hardi donc !

  15. Une femme de coeur à la machoire carrée et avec un piolet à la ceinture says:

    Au 22ème jour de traversée
    Le poète
    Hugo de l’Estagnas
    Nous a rejoint
    La mer stagnait comme une flache
    Les quatrains du poète sans qualités se déchaînaient mélancoliquement
    C’est alors que je pris mon piolet pour les porter à ma bouche

    1. J’étais un peu sceptique sur cette égérie « à la mâchoire carrée et avec un piolet à la ceinture », devinant une sorte de walkyrie bodybuildée, mais non la photo incite à un aimable huis-clos sous voiles…
      😉

  16. a.d says:

    Très bon blog sur lequel, au hasard de mes recherches littéraires et autres pérégrinations, j’atterrissais depuis des années assez régulièrement.

  17. Je venais juste de lire un article sur Renaud Camus – l’un de vos écrivains souvent cités et apparemment admirés – et j’étais en train de penser à vous…

    Voici que vous nous annoncez la fin de votre blog (j’ai connu ça aussi) : parfois il faut prendre ce genre de décision (mais vous semblez vous consacrer plutôt maintenant au livre lui-même).

    Bonne navigation sur d’autres pages, alors !

  18. Une femme de coeur says:

    Google Earth ne référence pas l’inquiétante île du Lorgnon.
    Et pourtant c’est bien au large de l’inquiétante île du Lorgnon que j’ai jeté par-dessus bord ma paire de bottes Biker Wash 4 Geronimo cuir Bleu Cobalt.
    Elles flottent modérément.

  19. Une femme de coeur, pieds nus sur le pont says:

    Hier soir l’écrivain Samuel Beckett nous a rejoint sur le pont 1. Il était encore possible de distinguer l’île du Lorgnon. Mais quand sa longue main blanche désigna deux biquettes de mer modérément immobiles sur l’océan, l’île avait disparu.

  20. Une passagère, amie de La Marquise de l'Orée says:

    Nous étions deux ou trois petits démiurges sans qualités à scruter l’horizon lorsque le Baron de Large nous rejoignit.
     » Le monstre de bois  » , posé sur le pont principal, semblait vouloir nous dire quelque chose.

  21. Une passagère, amie de La Marquise de l'Orée says:

    Lorsque le poète sans qualités Hugo de l’Estagnas se mis à déclamer quelques-uns de ses Quatrains de l’Esseulé, il était absolument seul et modérément mélancolique sur le pont 6 arrière. Quelques monstres délicats venaient se tortiller acrobatiquement à ses pieds faisant ressortir ainsi l’extravagante médiocrité de ses vers.
    Elise rêvait en cabine qu’elle entendait des voix d’anges malades. A trois heures du matin l’ombre de l’île du Lorgnon glissa sur les figures pâles de tous les indolents compagnons de cordée. La Marquise de l’Orée décida qu’elle ne vieillirait plus.

  22. Arlette says:

    Le thé est maintenant très infusé …… il serait temps de le déguster en notre compagnie ici où ailleurs
    Belles et Douces Fêtes Monsieur Le Chat

  23. delorée says:

    partager les cerises, même si c’est des bêtises

    Nous taperons sur la tête du mélancolique jusqu’à-ce qu’il nous désaisisse en nous resaisissant. Assommons les pauvres à l’occasion des fêtes.

    Arlet’s go to highway to hell by le petit pont du Monstre en bois vieilli

    Oreilles.

  24. Alfonso says:

    En robe de faille rouge, la Duchesse de Pain s’installa dans la salle des machines et me dit :
     » Le Marquis de l’Orée maîtrise l’art de l’italique dans les commentaires, ça va chauffer, Alfonso. »
    Et moi, Alfonso, dans le secret de mon coeur je le savais déjà.
    Et moi, Alfonso, in petto je le savais déjà.

  25. deloree says:

    Le chat tournait autour de l’île du Lorgnon avec la mélancolie du temps suspendu en plein vol. Plus il tournait et plus il avait les oreilles acérées. Son coeur battait fort, tant il connaissait la beauté des orages et des raz-de-marée qui menacent les rivages des mers étales. Venez céans dit subitement un squale à ultra-sons. Le chat réapparut alors et le mangea: poliment.

  26. Alfonso says:

    Le concept de Tentation du Lorgnon ou plus simplement le Lorgnonisme sera le thème de notre prochaine conférence qui aura lieu cet après-midi à 17 heures, Pont 8 arrière.

    Hugo de l’Estagnas  
    Doctor S.

  27. deloree says:

    Grande salle d’armes du château de Plieux, nous y serons. Pouvez-vous réserver des ballots de foin pour trois paires d’oreilles (la brebis broutera le parc) ? Les glissades n’étant pas encouragées dans les salles, nous y serons à l’aise.
    En attendant de vous lire je vous prie de croire, cher monsieur, en l’adjonction de divers légumes lors de la cuisson du riz complet sur injonction de l’amazone à piolet.
    Ps: dites au Doctor S. que son intervention est très attendue par Vitamine, elle me l’a confirmé cette nuit.

  28. Alfonso says:

    En direct
    Comment des fleurs peuvent-elles être anonymes et fielleuses ?
    Longue digression sur ce thème par le poète Hugo de l’Estregnas qui semble t-il est arrivé en avance.
    Vitamine attend au premier rang pas in pettodu tout.

  29. deloree says:

    Vitamine croit voir Monsieur Lorgnon dans l’assemblée. Elle se lève pour le héler et renverse le micro. Hugo de l’Estregnas continue a capella. Son moignon rogné sidère l’assemblé des commerçants. Un tir au but en pleine lucarne est intercepté par le Doctor S. qui est dans une forme olympienne. Le chemisier de Vitamine est réajusté de justesse. Encore raté.

  30. delorée says:

    Comme Samuel Beckett dans un clip de rap ! dit un monsieur au fond de la salle croyant révéler la faille du système
    Lorgnon, mon doux Lorgnon, les oreilles de Zorglub sont également des îles, ajouta Madame Pain en étreignant le bel Alfonso.
    Sardanapale ! cria alors Pascal Salin au hasard, le sot.

  31. Alfonso says:

    C’est à proximité des grandes failles que deux ou trois petits anges aux membres tronçonnés rampèrent avec grâce vers je ne sais quoi. La puissance de l’italique rasséréna l’ange Arlette.
    Dans la salle des machines, Trompette et Bataille, mes frères de Germinal, ne bronchèrent pas quand notre navire modérément mélancolique croisa le RMS St Helena.

  32. delorée says:

    Sur le pont arrière du St Helena étaient posés des hélicoptères en aluminium qui battaient des pales comme les éoliennes de nos campagnes.
    A la barre du RMS, Vitamine gardait le cap sur l’Alaska, lorsque Monsieur Lorgnon, revenu après avoir ré-acérer, poussa la porte du poste de pilotage, … Oreilles !

  33. Alfonso says:

    Cher Doctor S.,
    Votre conférence d’hier après-midi à bord du End of a melancholy affair sur le thème du señoritisme a été brillante. Peu importe que le thème originel était le lorgnonisme : vous avez carte blanche pour toutes les digressions.
    Quoiqu’il en soit il n’en va pas de même pour le soi-disant poète qui vous accompagnait.
    Ce Hugo de l’Etreintegnas ou quelque chose comme ça a eu un comportement inadmissible !

    Vasquez

  34. deloree says:

    Tout à trac, le Colonel Vasquez se rappela la planche de Reiser (introuvable) concernant les voeux de bonne année. Monsieur Lorgnon, lui, tout à ses palmes, hésitait à regagner le large à la nage. Un parachute mordoré, voilà pour la parabole du Progrès mon vieux Vendredi. Capitaine, appareillons ! Fuyons ce réveillon fuligineux !

  35. Alfonso says:

    Le doctor S. et princesse Vitamine c’étaient à peine rencontrés qu’ils s’embrassaient déjà sur le Pont 6 arrière du End of a melancholy affair. Décidément on peut embrasser très vite quelqu’un. Quelqu’un mais pas tout le monde, aurait pu dire in petto un écrivain principal modérément génial.
    Des rhinocéros de mer nageaient les uns derrières les autres, accompagnant le mélancolique vaisseau, un peu à la manière de compagnons de cordée sans qualités.
    Certains diront que les rhinocéros de mer n’existent pas. Eh bien moi, Alfonso, j’entendis clairement l’écrivain principal modérément génial leur répondre, pas in petto du tout : C’est vrai.

  36. deloree says:

    Vitamine et le Doctor S. ?, je suis effondrée, dit délurée. Qui mettra maintenant en pratique la dissolution de la Place du Tertre à la faveur de la décroissance néo-Keynésienne Lordonienne ? Craramba ! encore un coup dans l’eau autour de l »île. Six ans de parachute, c’est long, surtout vers la fin.

    Pendant ce temps, sous le sol moussu…

  37. Alfonso says:

    D’aucuns confondent encore Frédéric Lordon – Économiste percutant – avec le lorgnonmelancolique, mélancoliste percutant. Lordon n’est pas Lorgnon.
    Monsieur Lorgnon occupe la cabine 123 Pont 6 arrière, avec vue sur la mer.
    Frédéric Lordon occupe la cabine 123 Pont 6 avant, avec vue sur la mer.

    Aujourd’hui à 18 heures le doctor S. donnera une conférence sur le thème : Philosophie et poésie, à la loupe.

  38. Alfonso says:

    Des fleurs anonymes et fielleuses, aux reflets mordorés poussaient par plaques sur la coque rouillée exprès du End of melancholy affair.
    Dans la salle des machines, Stanko tenait son père sur ses genoux esquintés.

  39. Alfonso says:

    Le End of free enterprise avançait tout feux éteints sur un océan torturé, mutilé, tronçonné, éclaté, vidé, épuisé, amputé, claqué, miné.
    Bloguer est la forme la plus exquise de l’inconfort de vivre.
    Mais avez-vous déjà éprouvé, cher doctor S., la tentation du Lorgnon ?

  40. Alfonso says:

    Cette nuit-là, comme toutes les autres nuits, quelques passagers virent apparaître au Nord-Est du Pic du Lorgnon le terrifiant point d’interrogation. Tous se mirent à entonner la ritournelle du Lorgnon : Le point nous voulons. La virgule nous aimons. Le point-virgule nous adorons. Le point d’interrogation nous fuyons. Au même moment, dans la salle des machines du End of a melancholy affair, un steppenwolf léchait les plaies de ses pattes tronçonnées.
    1 janvier 2012 07:21

  41. deloree says:

    Les nominés du Pic tronçonné sont:

    Nouvelles et Lorgnons pour rien
    Lorgnon ou lointain intérieur
    Maximes et Lorgnons
    Le nid du Lorgnon
    Syllogismes du Lorgnon
    Ou Lorgnon… Ou Lorgnon…
    Harold et Lorgnon
    On vit un Lorgnon formidable
    L’Ombilic du Lorgnon
    Travailler plus pour gagner Lorgnon

  42. Alfonso says:

    L’année dernière j’ai choisi la mort. Cette année, va pour le farniente. C’est in petto que le célèbre doctor S se remémora la soirée des vœux modérés.
    Maintenant, il regardait les crabes anonymes et fielleux agglutinés par milliers autour de la coque du End of a melancholy affair et qui ensanglantaient la mer.

  43. Alfonso says:

    Je ne comprend rien à ce que je fais. Souvent c’est pas très facile. Il y a pourtant des instants où les choses sont claires. Mais tout s’obscurcit très vite et je ne comprends plus rien. Alors la sensation modérément désagréable revient. J’espère que je ne suis pas un guetteur. Je ne suis pas un guetteur. Bon, je continue.

Laisser un commentaire

Patrick Corneau