0052-0029_saint_thomas.1290083318.jpghmorganlettrine2.1290083355.jpgDans un entretien* Pierre Michon déclarait, faisant référence à un tableau de Velázquez représentant saint Thomas sur un fond noir:
« Saint Thomas est la figure du doute. Et son doute n’est pas le doute méthodique, mais un doute beaucoup plus retors, qui creuse un individu en massacrant en lui ce qu’il a de plus cher. […] Vous me direz qu’il n’y a rien, là, dans ce fond noir. Eh bien non, il n’y a rien. […] Ça n’est rien, mais c’est un rien violent et volontaire qui porte des figures, qui les fait tenir. Sans ce noir qui souffle du fond, il n’y aurait pas de figures. D’ailleurs, est-ce qu’il y en a? C’est bien parce qu’il n’y a pas de figures, pas de pensée, pas de contenu, que l’homme de littérature est bien obligé de prendre la parole avec violence. Pas de sujet, pas de thème, pas de pensée, rien que la volonté violente de dire, qui fait par miracle quelque chose avec rien. Qui fait une forme dans laquelle s’installe, en plus, du sens. »

Derrière la page blanche, il y a ce fond noir de l’énonciation que le lecteur ne voit pas, qui obnubile l’écrivain, limbes où il déambule et d’où il peut revenir ou pas.

*P. Michon, « Un auteur majuscule », entretien avec Thierry Bayle, Magazine Littéraire, N° 353, avril 1997. p. 99.

Illustration: L’apôtre saint Thomas de Diego Vélasquez, vers 1620, huile sur toile, 73 x 95 cm, Orléans, Musée des Beaux-Arts (illustration choisie pour la couverture de l’édition Folio de Vies minuscules).

  1. Rodrigue says:

    Et pourtant rien n’est dit. Je veux dire rien d’important. Je sais bien que si tout se tait « les pierres crieront », mais peut-être faut-il les aider un peu, qu’en pensez-vous ?

  2. Ventres plein ici
    ventres vides là bas,
    un même ciel, qui ne dit rien.

    je vous convie à mon blog des fellations spirituelles et poétiques, le RACBOUNI

    avec en tête de gondole cette semaine :
    Tom Creule, L’inévitable parade nuptiale du homard glacé
    et même de la poésie épique Kazakhe (si si !)

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Patrick Corneau