9782842422844.1296377218.jpgC’était une tache blanche sur la route. Elle semblait bouger. Je levais le pied de l’accélérateur. Un gros chien cheminait sur le macadam, avançant, puis s’arrêtant pour se retourner et repartant, visiblement fatigué car il louvoyait. Je freinais et, arrivant à sa hauteur reconnus un superbe labrador jaune, déjà âgé, portant collier. Je fis un écart pour l’éviter. Le temps d’un éclair, il me dévisagea: je lus l’expression d’un épuisement terminal et comme une interrogation portée par un regard de Christ aux douleurs: pourquoi? Pourquoi m’avoir abandonné, moi compagnon si fidèle, moi qui suis fou de vous, les hommes! Les mots pour dire la souffrance des animaux ont été trop usés; ils sont sans énergie. Je m’étais à peine rabattu que déjà la scène fuyait dans mon rétroviseur: un énorme poids-lourd arrivait sur l’animal. Ce devait être un routier « zoomane » car je le vis faire un large détour, tous feux de détresse allumés. Allait-il s’arrêter? Puis, plus rien. Je continuais mon voyage.
Voilà ce qui est arrivé au kilomètre 257 de mon trajet ce week-end. Sans lien avec le très beau livre de Tibor Déry dont il fut question à l’émission Répliques:
Niki ou L’histoire d’un chien. L’histoire d’une chienne ordinaire et d’un couple non moins ordinaire – une histoire d’amour pas ordinaire qui finit mal, bien entendu. Vie de chien, chienne de vie.

Illustration: Editions Circé

Laisser un commentaire

Patrick Corneau