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« L’eau que nous buvons, même quand nous la disons « fraîche », n’est pas née de la dernière pluie. Quelle que soit sa source, elle n’est même jamais de toute première jeunesse. En effet, de quoi l’eau est-elle constituée ? De molécules d’eau, elles-mêmes formées d’atomes d’hydrogène et d’oxygène. Or les premiers se sont formés dans l’univers primordial (il y a 13,7 milliards d’années) et les seconds dans le cœur d’une étoile (il y a environ cinq milliards d’années) qui les a ensuite dispersés dans le vide interga­lactique. Se désaltérer est donc un acte grave et profond qui nous connecte intimement à presque toute l’histoire de l’univers : il consiste en définitive à absorber des bribes de l’aurore du monde mélangées à des cendres plus tardives du feu stellaire. » Etienne Klein, Discours sur l’origine de l’univers, Flammarion, 2010.

ferli4.1297067463.jpgPensez-y lorsque vous jetterez l’eau du bain (sans le bébé) ou que vous laisserez, impavide, le robinet couler pendant que vous vous brosserez les dents: 5 et 13,7 milliards d’années, on vous dit…

Ce n’est pas la seule merveille de ce livre étourdissant qui nous extrait du plancher des vaches pour nous projeter vers des abîmes dediscours-sur-lorigine-de-lunivers.1297067654.jpg réflexions sur l’être, le non-être, le néant, les fins ultimes et les commencements premiers. Illustration poignante de la manière dont le dernier savoir en date tend à être le savoir le plus déconcertant. Il s’avale comme une descente du Tourmalet (avec tout de même quelques remontées sévères pour les méninges), ponctué d’un humour oulipien à base d’anagrammes insolites (par exemple, L’Origine du monde, Gustave Courbet est la « troublante » anagramme de Ce vagin où goutte l’ombre d’un désir…) pour dégonfler l’angoisse métaphysique et de citations burlesques pour remonter le moral du roseau. Pour l’homme, comme dit Etienne Klein, « le commencement est un dieu », une obsession, « le moteur même de notre questionnement, un manque qui nous habite, une carence qui nous définit, une déficience qui nous aiguillonne, une illusion salvatrice ». N’espérez donc pas le repos d’une réponse. La fin de cette quête de l’improbable origine est surprenante, magistrale, elle nous mène aux confins du langage, de la Chine, du Tao et, bien sûr, de l’incontournable Wittgenstein…

Illustration: origine inconnue / Flammarion

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Patrick Corneau