aureliafreyleprado2.1289980573.jpghmorganlettrine2.1289980615.jpgNous savons que l' »onde » produite par un battement d’ailes de papillon s’ajoutant à toutes les perturbations atmosphériques, peut fort bien être la cause d’un ouragan aux antipodes. Je fais l’hypothèse que de même un sourire ou une poignée de main peut avoir un effet que nous n’attendions pas, sur une chaîne d’hommes et de femmes qui ne se connaissent pas et en répercutent l’effet à leur insu. Semblablement, dans un chapitre de ses Méditations d’un solitaire en 1916, Léon Bloy, souligne que « tel mouvement de la Grâce qui me sauve d’un péril grave a pu être déterminé par tel acte d’amour accompli ce matin ou il y a cinq cents ans par un homme très obscur de qui l’âme correspondait mystérieusement à la mienne et qui reçoit ainsi son salaire ». Pour Bloy, cela démontre un « équilibre sublime » voulu par Dieu et le « miracle constant d’une balance infaillible entre les mérites et les démérites humains, en sorte que les dénués spirituels soient assistés par les opulents et les timides suppléés par les téméraires ». Que cette intuition soit ou non attachée à un dogme spécifique, à une théologie, à une croyance, n’a finalement pas beaucoup d’importance. Sous la lumière sublime, surnaturelle, de ce pressentiment, me voici projeté définitivement au-delà de mon égoïsme, de ma solitude. Ecartée, annihilée la tentation morose à envisager comme isolé chaque geste, comme séparée toute parole… L’amour pourrait n’être qu’une seule et même onde venue du fond des âges que nous propagerions de nos offrandes les plus modestes, que nous conforterions de nos élans les plus anodins…

Illustration: photographie de Aurélia Frey.

  1. Rodrigue says:

    Condamnés à l’espoir simplement pour ne pas cesser de penser…Comme je suis d’accord avec L.Bloy même si je ne partage ni son mysticisme, ni même son déisme! Je crois à la communauté des personnes de bonne volonté, qui constamment essaient de préserver l’autre!

  2. Breuning Liliane says:

    Votre « poussée ontologique « (oserais-je dire) hors de la phrase de Léon Bloy est assez admirable et … osée. Elle ressemble un peu au coup de talon que se donnerait un ange pour se propulser encore plus haut. Merci, cher Lorgnon, de ces fulgurances (et de nous rappeler que Guido Ceronnetti existe).

  3. Gabrielle Daulet says:

    Qui n’a pas vérifié en soi-même, un jour ou l’autre, l’impact d’un regard, d’un sourire , d’un geste ou d’une parole justes, c’est-à-dire vraiment « adressés  » (je parle de bonté, bien sûr) et la transformation immédiate de notre rapport au monde et aux autres qui s’ensuit, avec le désir spontané, presque irrésistible, de répercuter ce bienfait ? Croire en ce retentissement infini de la bonté…

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Patrick Corneau