Le blues de l’enseignant vu par Michel Houellebecq dans son dernier livre: « La Carte et le territoire » (Hélène est assistante à l’université de Paris-Dauphine où elle enseigne l’économie):
« Elle avait l’air détendue, heureuse, comme à chaque fois qu’elle ne devait pas aller à la faculté dans la journée – les vacances de la Toussaint venaient de commencer. L’intérêt d’Hélène pour l’économie avait beaucoup décru au fil des ans. De plus en plus, les théories qui tentaient d’expliquer les phénomènes économiques, de prévoir leurs évolutions, lui apparaissaient à peu près également inconsistantes, hasardeuses, elle était de plus en plus tentée de les assimiler à du charlatanisme pur et simple; il était même surprenant, se disait-elle parfois, qu’on attribue un prix Nobel d’économie, comme si cette discipline pouvait se prévaloir du même sérieux méthodologique, de la même rigueur intellectuelle que la chimie, ou que la physique. Son intérêt pour l’enseignement, lui aussi, avait beaucoup décru. Dans l’ensemble les jeunes ne l’intéressaient plus tellement, ses étudiants étaient d’un niveau intellectuel effroyablement bas, on pouvait même se demander, parfois, ce qui les avait poussés à entreprendre des études. La seule réponse, au fond d’elle-même elle le savait, était qu’ils voulaient gagner de l’argent, le plus d’argent possible; malgré quelques engouements humanitaires de courte durée, c’était la seule chose qui les animait réellement. Sa vie professionnelle pouvait en somme se résumer au fait d’enseigner des absurdités contradictoires à des crétins arrivistes, même si elle évitait de se le formuler en termes aussi nets. Elle avait prévu de prendre une retraite anticipée… »
Illustration: origine inconnue
Pourtant une réflexion approfondie sur l’influence prépondérente des milieux boursiers sur l’ensemble de l’économie des nations ne serait peut-être pas du luxe, qu’en pensez-vous?