hmorganlettrine2.1279460636.jpglasdun.1279460580.jpgChacune des situations auxquelles sont confrontés les personnages* de James Lasdun finit par les pousser à la lisière de la rupture. Sans jamais l’atteindre, car ces velléitaires n’ont pas la force ou le courage d’aller jusqu’au fond du marasme de leur quotidienneté pour rebondir et changer de vie. Ils préfèrent rester « entre deux eaux » et recomposer par de petits bricolages leurs accommodements et justifier leurs complaisantes lâchetés. « Nous sommes déjà épuisés par notre petite prise de conscience, et tout ce que nous désirons, résume l’un d’eux, c’est nous rendormir… » Rien chez Lasdun ne finit mal car on a affaire à des individus « 12 sur 20 », des braves types de la classe moyenne, tendance boboïsante, juste un peu moins moyens que les autres, pas les plus intelligents mais les plus aptes à s’installer et se maintenir dans des vies domestiques « pépères ». Si « Ça commence à faire mal », c’est que le bel arrangement de leurs existences est sur le point de basculer. Bascule inaboutie car débouchant sur une décision sans volonté qui les replace dans l’abysse de leurs vies obscures. Néanmoins l’élément perturbateur, lui-même banal, qui dérange ces vies grises permet au récit d’éclairer chez ces êtres un immense déficit de volonté, d’intelligence, d’énergie et d’amour. Dans une sorte de tableau anthropologique de la médiocrité, James Lasdun poursuit ici l’exploration des thèmes qu’il avait déjà abordés dans ses deux précédents romans**: l’imposture, la compromission, la forfaiture, l’échec, la difficulté de trouver sa place dans ce monde et de la garder. Même si ça fait mal. Un miroir de nos chienneries. Effroyablement pessimiste; donc revigorant. Un nouveau John Cheever pour temps de « post-modernité » à  lire urgemment.

*Ça commence à faire mal, par James Lasdun, traduit de l’anglais par Pierre Charras, Editions Jacqueline Chambon, 286 p., 21,80 euros.
**Sept mensonges, trad. de l’anglais par Pierre Charras, 256 pages, Collection Du monde entier, Gallimard. L’homme licorne, trad. de l’anglais par Pierre Charras, 232 pages, Collection Du monde entier, Gallimard, 2004.

Illustration: photographie éditions Jacqueline Chambon

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Patrick Corneau