« Je n’écoute jamais de musique. Les autres en écoutent beaucoup. C’est leur affaire. L’ennui, c’est qu’il ne s’agit pas d’un goût secret. C’est un goût public. La musique est une des choses qui abolissent la frontière entre privé et public. Nul ne peut ignorer que vous écoutez de la musique lorsque vous en écoutez. Dans votre façon de la pousser à plein régime est donc contenue la plus répugnante des croyances: celle qui suppose que les autres aiment ce que vous aimez.
J’ai souvent fait l’expérience de demander à mes voisins de baisser leur musique: ils éteignent tout.
Du rock – pratiquement la seule musique que les gens écoutent, donc qu’ils m’obligent aussi à entendre – je me suis aperçu qu’il ne restait, pour moi, à travers les murs et les plafonds, que les percussions. La mélodie (s’il y en a une), disparaît, s’efface avec la distance. Ne subsiste que l’odieux battement cardiaque de cette machine infatigable et morbide.
Je ne fais absolument aucune différence entre le bruit d’une moto et celui d’une musique. Ce sont deux choses qu’on m’impose et pour lesquelles on a omis de me demander mon avis.
Il paraît qu’il n’y a que les vieux qui détestent la musique, alors que les jeunes l’adorent. Quand on craque et qu’on tire à la carabine sur des loubards qui font du bruit, on est traité dans les journaux de vieillard irascible.
À vingt ans, j’étais donc un vieillard irascible puisque je détestais autant le bruit (la musique, donc mes semblables: les jeunes) qu’aujourd’hui.
Cette civilisation qui réussit si bien ses conspirations du silence organise une conspiration perpétuelle du bruit qu’elle appelle musique. »
Philippe Muray, Le portatif, Les Belles Lettres, coll. « Mille Et Une Nuits », 2006.
C’est un des plus beau texte que je connaisse sur la musique, celle d’aujourd’hui dont on dit qu’elle est le « médicament générique de l’humanité ».
Illustration: origine non connue
… mais tout de même une description qui enferme la musique dans le bruit ! Une forme de brouillage-brouillard isolant de l’esprit. Une déconnection mentale par connection au décibel d’origine électrique (pas comme la moto).
Il devait manquer aux enfants et au jeune une chose dans leur position ventrale : un casque à musique.
Je trouve ce texte débile. L’assimilation de toute musique à un bruit, comme l’a bien remarqué nomade, c’est comme si l’on disait que toute écriture tapée sur un micro-ordinateur équivalait à un marteau-piqueur.
Ce Philippe Murray est la coqueluche en ce moment du théâtre pour ses aphorismes : mais sa réflexion qui se veut ici paradoxale ou provocatrice n’est que le reflet d’esgourdes plutôt ensablées !
Qui parle de « médicament générique » ? C’est une critique digne tout juste de Roselyne Bachelot (Philippe Murray n’a pas connu les vuvuzelas, dommage !).
C’est votre votre réflexion qui est simplette ou plutôt qui montre que vous ne lisez pas les textes car vous en avez une idée toute faite. Murray n’assimile pas toute musique à du bruit, mais critique cette tendance à afficher son bruit en l’écoutant fort partout et dont on récupère juste le boum boum, la partie insupportable. Horrible, même pour les fans de rock.
Dans le métro on entend des criquets à travers les casques, et on ne peut pas lire. Dans les festivals, dans la rue, le bruit est encouragée, les riverains râlent et passent pour des rabat joie alors ils ferment leur fenêtres et mettent du double vitrage. Le bruit est assimilé à de la fête, on dit d’ailleurs un max de bruit pour Johnny ! »
Le silence est devenu rare, il est vu comme ringard. « Ah t’es contre la fête, toi? ». Relisez ce texte, c’est plus fin que vous ne le pensez et sa pensée est loin d’être un effet de mode. D’ailleurs elle fait du bruit ;).