« La dernière ressource de l’homme contemporain est de ne pas dire ce qu’il est. La société moderne, quelle que soit son orientation particulière, a choisi de fonder sa connaissance des êtres sur le questionnaire, non sur le dialogue. » Georges Henein, Carnets 1940-1973.
Les questionnaires m’intéressent (à titre plus ou moins professionnel), me fascinent parfois (à titre littéraire), m’insupportent (au titre de consommateur) et m’inquiètent souvent (au titre de citoyen)… D’autres aussi, comme l’écrivain Francis Mizio. Son Blog accumulatif de questionnaires mérite le détour par l’idée originale (projet) qui le sous-tend: « Ma théorie depuis quelques années est que nous serons soumis à toujours plus d’insupportables questionnaires. J’entame ici une collection. D’abord les questions n°1, puis les suivantes, de chacun de mes questionnaires. A force, vous verrez, cela fait peur. »
Max Frisch a proposé les siens dans Questionnaires* (extraits):
Qui auriez-vous préféré ne jamais rencontrer?
Savez-vous en règle générale ce que vous espérez?
Enviez-vous parfois les animaux qui semblent se tirer d’affaire sans espérance, p. ex. les poissons d’un aquarium?
Quel espoir avez-vous abandonné?
Combien d’heures par jour ou de jours par année un espoir au rabais vous suffit-il:
– que le printemps revienne, que les maux de tête disparaissent,
– que quelque chose ne soit jamais connu,
– que des invités s’en aillent, etc.?
Avez-vous de l’humour lorsque vous êtes seul?
À supposer que vous croyiez en un Dieu connaissez-vous un symptôme de ce qu’il a de l’humour?
Détestez-vous l’argent liquide?
Combien coûte à l’heure actuelle une livre de beurre?
Redoutez-vous les pauvres?
Aimeriez-vous une femme riche?
À supposer que le pays natal se caractérise pour vous par des montagnes boisées avec des chutes d’eau: êtes-vous ému lorsque dans un autre continent vous rencontrez le même genre de montagnes boisées avec chutes d’eau, ou cela vous déçoit-il?
À qui, à votre avis, appartient l’atmosphère par exemple?
Aimez-vous les clôtures?
Contre quoi n’êtes-vous pas assuré?
Qu’est-ce qui vous gêne dans les enterrements?
Etes-vous certain que la conservation de l’espèce humaine, une fois disparus toutes vos connaissances et vous-même, vous intéresse réellement? Pourquoi? Réponse en style télégraphique.
*A paraître aux Editions Cent Pages fin octobre.
Illustration: Contrescénario de télémarketing « pour torturer la personne qui vous appelle et vous soumet insidieusement à un questionnaire » ©martijn engelbregt
Cela me fait penser au questionnaire débile de l’amuseur public Thierry Ardisson, diffusé récemment sur un blog.
Merci pour le lien vers Francis Mizio, cela me donne de ses nouvelles !