En regardant hier soir les admirables images de Home sur France 2, je me disais que décidément plus le regard s’élève plus tout paraît beau. L’altitude comme je le disais dans mon billet d’hier gomme les détails disgracieux et nous fait reculer dans un monde idéal, pur. Mais hélas, irréel. La Terre vue par Yann Arthus Bertrand n’existe pas (malgré le train des statistiques affolantes du commentaire). C’est une vision esthétique et esthétisante fruit de la technologie la plus avancée (l’hélicoptère et sa fameuse caméra Cineflex, plus la HD, plus les 10 M d’euros de la production assumés par le groupe de luxe PPR, plus Luc Besson, plus…) que personne n’a jamais eue dans sa pauvre vie de terrien rampant. Une vision donc, plus un discours militant. La superposition/collusion de l’esthétisme et de l’idéologie m’a toujours gêné (chez le photographe Sebastião Salgado par exemple) que ce soit pour promouvoir ou l’inverse, dénoncer. Quand la caméra se rapproche du monde sublunaire, c’est pour nous proposer de magnifiques lumières en contre-jour sur les fumerolles d’une montagne d’ordures que grattent quelques boubous rutilants… Le beau dissimule la part du mal, du crime dans cette scène terrible. Il est son complice. Yann Arthus Bertrand serait-il le Leni Riefenstahl de l’écologie?
On dira que j’ai mauvais esprit mais je ne peux m’empêcher par ailleurs de penser au sourire jaune de tous les députés Hadopistes qui vont, nonobstant, se réjouir de la gratuité de l’œuvre en libre accès sur Internet.
Illustration: photographie Le Point.
La réflexion est intéressante. Difficile bien sûr de trancher, mais si le problème écologique est posé, abordé par le biais de magnifiques images, on peut parler de « réussite »(?). La contradiction entre la beauté des images et la misère de l’environnement est à double tranchant en effet. Elle nécessite une réflexion qui est à propos et ce n’est pas si mal que ça.
Entièrement d’accord. On nous impose un regard unique, encore une fois. Cet esthétisme obligé me gêne profondément, à chacun sa propre contemplation.
Le triomphe de la beauté, comme «Le triomphe de la volonté». Tout à fait d’accord avec votre comparaison! (Ose-je corriger le nom mal orthographié: Leni Riefensthal)
L’art du consensus, l’écologie non au ras des pâquerettes mais à celui des nuages, l’abandon délibéré de toute réflexion politique (le nucléaire totalement absent du film), oui, « le triomphe de la beauté », comme l’a très bien dit Natacha S., au détriment d’un regard lucide et débarrassé de l’objectif à fonction d’enjoliveur.
Les députés hadopiens (dignes descendants de l’homo sapiens du commentaire filmique qui pèse des tonnes) se trouvent pris à leur propre piège : il suffirait que le futur fichier ait un bug et ils se verraient priver d’abonnement Internet !
L’enfumade de YAB tombe à point nommé, et a « débarqué », elle aussi, juste avant les élections européennes aujourd’hui en France.
François Pinault, le mécène désintéressé, qui ne vote sûrement pas pour Cohn-Bendit ou Besancenot, ne peut que se réjouir de cette gigantesque opération commerciale et politique… masquée.