Voici comment, il y a 20 ans, Harold Pinter parlait* de l’Angleterre de Mme Thatcher :
“… Le discrédit dans lequel est tombé le langage et le mal qui ronge en profondeur l’esprit et l’intelligence morale donnent au gouvernement carte blanche pour faire ce qui lui plaît. Ses représentants peuvent désormais procéder à des écoutes, entrer par effraction, détourner des fonds, cambrioler, mentir, diffamer, brutaliser et terroriser en toute impunité. A dénoncer de tels agissements on se retrouverait tout simplement en prison alors que les serviteurs du gouvernement pourraient rester au-dessus des lois, n’ayant de comptes à rendre ni aux citoyens de ce pays ni à ses représentants devant le Parlement. (Les services de sécurité ont bien entendu toujours été au-dessus des lois, mais cet état de fait est à présent comme sanctifié par le droit). Les lois sont brutales et cyniques. Il n’y en a aucune qui prenne en compte une quelconque aspiration démocratique. Elles n’ont toutes pour objet que l’intensification et la consolidation du pouvoir étatique. A moins que nous ne nous décidions à affronter franchement cette réalité en face, ce pays libre court le danger très grave de mourir étranglé”. Harold Pinter, “L’érosion du langage de la liberté”, Sanity, 1989 (traduction de Natalie Zimmermann).
De 1989 à 2009, l’érosion a progressé, contaminé d’autres langues. Regardez autour de vous… Qu’a-t-on fait de vos (de nos) libertés?
*Texte retranscrit du blog de Pierre Assouline.
Illustration: photographie mrs_collapse/Flickr
l’érosion dont l’amnésie est l’autre nom