jaccottet2.1207836092.jpgAlors qu’on s’extasie sur les 300 000 exemplaires du 2e tirage du dernier roman d’Anna Gavalda (les 100 000 exemplaires du 1er tirage devant être pilonnés pour cause de couvertures défectueuses), il est d’autant plus urgent de lire le Ce peu de bruits d’un Philippe Jaccottet que j’évoquais hier et à qui François Dufay vient de consacrer un beau portrait* dont je voudrais citer l’extrait fort instructif suivant:
« L’art de Jaccottet vaut, lui, par une probité ennemie de l’enflure, plus précieuse que jamais, à l’âge du factice, de la provocation et du kitsch. Ce sentiment d’un affaissement général, l’angoisse que l’argent ne ‘pourrisse l’homme jusqu’à la racine’, n’a pas été étranger à la déprime de cet écrivain qui n’a jamais transigé. A l’exception d’une ‘année faste’ où sa traduction de L’Odyssée fut inscrite au programme des lycées, le grand poète avoue sans ambages ne gagner que l’équivalent d’un smic, un ordinaire certes amélioré par ses nombreux prix littéraires. L’autre jour, ce nobélisable n’a pas détrompé un élu local rencontré dans les rues de Grignan qui, le confondant avec sa femme, lui a demandé ‘comment allait la peinture’… ‘J’ai admis une fois pour toutes en commençant à écrire que c’était une activité marginale en même temps que centrale. La poésie protège aussi des tentations du vacarme et de l’exploitation publicitaire. Avec elle, on est sûr de ne pas gagner d’argent, alors que, chez les romanciers, il y a des gens qui rêvent…' »

* Un poète en hiver par François Dufay, L’Express, jeudi 10 avril 2008.

Illustration: photographie de C. Dutoit.

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  1. calystee says:

    Mon commentaire d’hier sur le billet précédent n’apparait pas. Sans doute mauvaise manoeuvre de ma part. Je redis donc ici mes remerciements à Lorgnon pour avoir « éclairé » ce livre de Jaccottet, que je vais m’empresser de lire, ainsi que pour les citations de Kafka qui me font connaître cet écrivain sous un tout autre angle. Merci donc.

  2. Leila Zhour says:

    C’est très vrai.
    et jaccottet est un « maître d’âme », si cela se peut.
    un politique l’a confondu avec sa femme? C’est drôle, presque. Quand on sait qu’à la mort de Ingmar Bergman, l’été dernier, l’éloge nécrologique de l’Élysée reprenait mot pour mot l’article de wikipédia…
    Ce genre de ridicule farcesque ne peut pas l’atteindre. En aucune façon. Mais le faire sourire, à sa manière, avec une élégance triste, oui.

  3. Danalia says:

    Je me suis procuré ce livre il y a quelques jours, après avoir lu votre article. Il est bien regrettable que beaucoup achètent des livres parce qu’ils se vendent bien, parce qu’on en a parlé à la télé en des termes qui n’ont rien à voir avec l’écriture, le plus souvent… Heureusement qu’il y a des gens qui résistent…

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Patrick Corneau