melancolie_durer.1205138458.jpgEntendu hier sur les ondes de France Culture dans l’émission Maison d’études où Victor Malka s’entretenait avec Régis Debray à propos de son livre Un candide en Terre sainte (Editions Gallimard):
Victor Malka: Vous considérez qu’à la base de la création d’Israël, il y a un sentiment révolutionnaire entre tous: « la mélancolie agissante ». La formule est belle, mais j’aimerais que vous nous expliquiez ce que vous voulez dire.
Régis Debray: J’ai noté que tous les révolutionnaires étaient des passéistes. Quand je dis cela les gens sont très déconcertés. Mais ce que je veux dire c’est que c’est toujours au nom d’un passé, de la nostalgie d’un âge d’or perdu qu’on fait une révolution. Cela vaut pour la réforme protestante, première révolution au XVIe siècle en Europe qui était la nostalgie des temps évangéliques avant la naissance de l’Eglise, 1989 est fait par la nostalgie de Sparte et de Rome, les bolchéviques avaient la nostalgie de la Commune de Paris, de la Commune de 1848… Bref, il est vrai que la mélancolie n’est pas un sentiment inhibant, la mélancolie peut être un sentiment dynamique. Il ne faut pas toujours opposer le passé et l’avenir, c’est généralement au nom du passé qu’on invente l’avenir.
Je me demande ce que pensent « posthumément » de ce « dynamisme » les victimes des massacres de la Saint-Barthélémy, celles du génocide Vendéen de 1793-1795, les milliers de condamnés des grandes purges staliniennes… (liste non exhaustive, hélas).

Illustration: La mélancolie d’Albrecht Dürer, 1514.

  1. Leila Zhour says:

    Il me semble que la notion de Révolution est en général une réaction. Je n’irai pas, comme le ferait peut-être Debray, jusqu’à dire qu’une révolution est forcément réactionnaire, même s’il y a peut-être un peu de cela.
    En revanche, parce qu’une révolution vise toujours à figer les choses, elle finit toujours aussi par se mordre la queue, d’où les Saint Barthélémy, les purges, et autres révolutions Culturelles.
    Vouloir arrêter le temps sur un « âge d’or » est certainement, à mes yeux, l’utopie la plus destructrice qui soit.

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Patrick Corneau