Il faut vivre à Paris, ou plutôt non, loin du Paris actuel, pour aimer Utrillo. Je sais que je tombe dans une nostalgie facile mais mon cœur bat devant ce Paris peint par celui dont on dit que, toile sagement achevée ou ébauche, il fallait les lui arracher sur sa table de poivrot de crainte qu’il ne les déchire lors d’une crise. Les vieux murs sales de guingois, les cours intérieures où, derrière une chemise séchant au soleil ou un cageot de légumes, chaque fenêtre cache une vie toujours triste et toujours différente, toute la misère des bas quartiers vit dans sa peinture avec un accent indéfini. Je ne sais ce qu’elles ont les rues d’Utrillo, mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu ce pincement devant leur allure droite et simple comme sur un dessin d’enfant, elles sont géométriques et nettes, les pavés y sont tous distincts, les lettres des enseignes aisément lisibles… Et pourtant, dans ces paysages urbains, sans effets, sans drame visible, règne un désespoir pénétrant comme un crachin d’automne. Avec son humour léger et le déchirement de son cœur de paysan alcoolisé, Utrillo peint les « chemins » de Paris plus que les rues. Il ruralise la ville, ainsi de la place du Tertre dont il a fait un thème parfait. Dans ses vues de Paris sous la neige, il y a comme un silence abandonné, pur intervalle où gît une noix d’or…
Heureusement qu’il y a ces tableaux sous la neige, car on ne l’aura pas encore vue à Paris, cette année.
Bel hommage à un peintre considéré un peu avec dédain quand l’heure est aux « installations » souvent tape-à-l’oeil (pourtant, un chevalet, il fallait bien « l’installer » aussi, et dehors, par moins trois !).
superbe…
Un Paris où il y avait de la neige, et pas de voitures. Maintenant, il y a des voitures, et pas de neige. Changement de poésie.
Eh oui, cette belle note, certes mélancolique, comme il se doit, me fait me ressouvenir bien à propos de ma propre mélancolie à propos de Paris. Le Paris que j’ai connu, arpenté tant et plus, tout d’abord Montmartre, où j’ai vécu petit et que j’ai découvert dans ses moindres recoins, puis la quartier latin, et Montparnasse que j’aimais tant…que sont-ils devenus. J’ai du mal à y retourner, une boule me serre à la gorge et je ne m’y reconnais plus. Touristes pressés, l’oeil rivé au camescope, boutiques de fringues à n’en plus finir, fast-foods…
Mais je redécouvre d’autres quartiers, le XI° par exemple, en m’éloignant un peu de la Bastille, cosmopolites et vivants..
Utrillo aurait fait d’autres tableaux de Ménilmontant ou du XIII°. A nous de faire revivre et redécouvrir le Paris d’aujourd’hui, par le regard, les rencontres, ou la photo!
Bonne année lumineusement mélancolique!
Roméo
« il ruralise la ville ». Ce paysan. Voilà une formule, voilà qui redouble mon désir d’aller voir cette église du Second Empire, à Marnes-la-Coquette, qui semble sortie d’une toile de ce maître.
Ruraliser, tiens! Mon dictionnaire automatique ne connaît pas. Ce n’est certes pas le dictionnaire automatique des artistes bohèmes, qui essaiment Hugo aux quatre vents.
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