Il y a une similitude dans le trait déformé chez Soutine et l’emploi de l’argot chez Céline. Céline fait servir l’emploi de l’argot et des mots obscènes à une autopsie de la langue morte, de la langue du refoulement inconscient qu’il faut traduire et retraduire, charcuter pour faire remonter le non dit du refoulé : la haine, la violence cachées.
Soutine parle pour les muets bruyants, il fait parler les humbles, les laissés pour compte, ceux dont la parole est empêchée ou contrainte (domestiques, serviteurs, mitrons, garçons d’ascenseur, souillons, filles de ferme…). Même méfiance chez Soutine que chez Céline pour l’échange verbal; peu de conversations, pas de confidences. Les paroles rapportées ou qui sont prêtées au peintre sont rarissimes. « L’Homme intérieur n’a pas de langage, dit Céline, il est muet« . Soutine a refusé pendant longtemps de parler français. Quand il s’est mis à le parler (il prit des cours de diction), il parlait un français tellement apprêté, contrefait de formules, ampoulé qu’on se moquait de lui. En fait, c’est comme ne rien dire. Il faut bondir hors de l’ordre du monde comme guerre pour inventer un autre langage, une langue qui n’hérite plus de personne pour embarquer dans une syntaxe picturale émotive, sensuelle, toute la rumeur d’une pente humaine carnassière, accoucheuse de violence et, au fond, si peu émotive.
Pour commencer à peindre, il faut avoir ressenti le cauchemar de l’expulsion.

Illustration : La fille de ferme (1919).

  1. Michel LeBrun-Franzaroli says:

    Bonjour … Je découvre par hasard votre post du 1er décembre 2006, je suis au regret de vous dire que la lettre de Céline à Soutine est un faux ! … Je connais bien l’auteur de ce document publié sur le net avec beaucoup d’autres faux documents ! Il faut dire qu’il sont si bien faits qu’ils abusent et ont abusés beaucoup de personnes, lesquelles ne sont pourtant stupides, mais hélas ne font pas pas preuve d’esprit critique quand il pêchent des documents sur le net ! … Cordialement.
    PS : si vous le souhaitez je peux vous communiquer, en messagerie privée, quelques courrier que j’ai échangé avec l’auteur au sujet de cette lettre.

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Patrick Corneau