Quel merveilleux blogueur aurait fait Alexandre Vialatte s’il était parmi nous! Le chef de train du Paris Clermont-Ferrand de vingt-trois heures quinze (qui serait aujourd’hui un « tégévé ») n’aurait pas l’honneur de recevoir en main propre la fameuse chronique hebdomadaire pour le journal La Montagne (c’était avant le fax et l’e-mail!) et ce serait bien dommage.
Qu’il nous soit permis de rappeler ici le style mélancolique et gai de ce vieil adolescent qui jamais ne devint un de ces
« adultes arrondis par le temps, aux âmes vulgaires et à la logique impeccable » lorsqu’il évoque l’inénarrable et mythique Monsieur Panado :
« Monsieur Panado était un personnage incroyable et hallucinant, une sorte d’obèse léger qui poussait trois sortes de cris dans les roseaux des marécages, en guêtres et melon gris perle, et qui synthétisait vaguem ent le génie absurde du monde, un contre-Dieu, l’angoisse de la planète, je ne sais quoi de cosmique et d’affreux, cruel, stupide comme un dessin d’enfant. Il vous attendait sous les portes, il vous jouait des tours effarants et se distinguait dans le mal par un style raffiné.
(…) la trace de ses pieds est palmée. C’est celle des palmipèdes. Elle est facile à suivre dans la vase. Monsieur Panado était stupide et écrasant. Il se tenait devant une porte de mairie avec l’air d’hésiter sur le chemin à prendre, mais avec une telle importance, une telle autorité, un tel poids physique et moral qu’on ne pouvait pas ne pas croire que c’était là le portrait d’un vivant. Il n’y avait pas de marron sculpté, de bille d’ivoire, de trombone ou de noix de coco, ni de fil de fer travaillé qui pût suffire à rendre compte de cette vie gélatineuse, de cette ombre portée sur un plâtre brûlant, et de cette allure de notable prêt à pousser le cri de la grenouille-boeuf.
(…) des décors qui étaient comme sa patrie: des rues noires avec un ruisseau, des villes cadavres, des mairies neuves et des maisons de garde-barrière si banales qu’un démon semblait les habiter; un effrayant miroir de céramique flambant neuf; un corbillard de première classe péruvien; un enfant assis au fond de l’eau, dans un fauteuil, parmi les poissons et les algues, avec un monsieur qui fumait un cigare; et un réverbère à pied de fonte qui éclairait dans une grotte sous-marine un crocodile indifférent. »

Vialatte écrivit à sa biographe et amie Ferny Besson lors d’un pèlerinage en Auvergne: « Vous n’imaginez pas le vide de ce pays. On y voit des maisons mais il n’y a personne. Je me sens seul à inventer un vice ou une mystique. C’est une atonie sans limites. Panado gagne la partie. »

Si jamais vous croisiez Monsieur Panado, changez de trottoir!

Illustration: Vialatte en chouette, dessin de Philippe Kaeppelin, février 1999.

  1. jocelyne says:

    surtout que cette statue a justement UNE HISTOIRE puisqu’elle possède une particularité (une erreur faite par son sculpteur).

    Lorsqu’on annonça l’erreur au réalisateur de cette statue il se suicida sur le champ…

    En effet, si l’on regarde plus attentivement on pourra remarquer que le cheval lève les 2 pattes du côté gauche en même temps alors qu’elles doivent être opposées. Tout animal ne lève pas les 2 pattes d’un même coté en même temps.

    Jocelyne

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Patrick Corneau