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Remèdes à la mélancolie (Films, chansons, livres… La consolation par les arts)

tischbein« L’homme se réveille en janvier lentement au milieu des jardins déserts, l’esprit encore tout embrumé des vapeurs de la Saint-Sylvestre; ses idées flottent, sa femme lui apporte de l’aspirine, ses enfants marchent sur la pointe des pieds. Les champs sont nus jusqu’à l’horizon. Une « vieille douceur » s’étend au loin sur les près de chanvre et d’eau jusqu’aux forêts mouillées. L’air est sans vent, le pays sans couleur. Quel silence sur ce mois où sont morts Louis XVI, Pierre Larousse et Caligula! » Alexandre Vialatte, « L’oiseau de janvier ou l’énigme du pic-vert », L’Oiseau du mois, Éditions Le Dilettante, 1995.

hmorganlettrine2C’est connu, janvier est un mois noir, nous sommes au creux de l’hiver, les lèvres gercent, le nez coule, les belles résolutions prises inconsidérément le soir du réveillon patinent, les soldes ne vous réconfortent pas, une sorte de spleen saisonnier vous assaille… QUE FAIRE?
Lire Vialatte bien sûr. Si vous ne l’avez pas sous la main vous précipiter sur Remèdes à la mélancolie (Films, chansons, livres… La consolation par les arts) d’Eva Bester chez Autrement (2016).
Productrice et présentatrice de l’émission « Remède à la mélancolie » sur France Inter (dimanche à 10h), Eva Bester a convié de nombreuses personnalités (de Boris Cyrulnik à51rkbes4qxl-_sx315_bo1204203200_ Agnès Desarthe, de Frédéric Beigbeder à Marina Foïs) pour nous confier leurs secrets anti-spleen: films, chansons, livres, œuvres d’art, mais aussi quelques recettes réconfortantes comme celle de la « baguette arrangée » de l’écrivaine Pia Petersen. Autant d’antidotes que la journaliste commente intelligemment tout en ajoutant ses propres consolations (lectures, cinéma, chansons, choses jouissives à faire et choses à éviter comme: la solitude et l’oisiveté, les hôpitaux, les heures de pointe, les salsifis, le pathos, les concours de malheur, les coussins en crochet orange et vert, la jalousie, les frigos vides, Émile Zola et l’écoute de… O Solitude d’Henri Purcell chanté par Alfred Deller).
Tout cela est délicieux, sérieusement léger mais surtout l’occasion de plaisirs inattendus, de découvertes surprenantes*, de rires (nombreuses citations hilarantes**) et de poésie pure.
Vaut (avec Le Lorgnon mélancolique bien sûr) tous les rayons « Bien-être » de la FNAC et la prise de substances euphorisantes (il)licites pharmaco-chimiques…
Pour 16,90€ les blue devils s’envolent et vous avez en vue le bout du tunnel de l’hiver! Que demande le peuple?

*par exemple que Cioran est, après Nietzsche, le philosophe le plus cité dans l’émission.
**celle de Cioran, une de mes préférées: « Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter. »

LRSP (livre reçu en service de presse)

Illustrations: Johann Heinrich Wilhelm Tischbein / Éditions Autrement.

  1. Catherine says:

    Attention la consolation peut aggraver la mélancolie si j’en crois la pathogénésie d’un remède homéopathique comme natrum phosphoricum : à prescrire pour un sujet fixé sur un passé douloureux et « aggravé par la consolation ».
    J’aime bien cette idée d’être « aggravé par la consolation ».
    C’est drôle finalement.
    Donc allons-y mollo avec la consolation.
    Bien à vous,
    Catherine

    1. Votre commentaire est très subtil! Oui, doucement avec la consolation (le « pharmakon »): juste ce qu’il faut pour laisser perdurer le mal en le rendant supportable – car tout de même la mélancolie reste une forme de bonheur « soft » ou de malheur tempéré. Marie du Deffand vous rejoint quelque peu: « Entreprendre de consoler quelqu’un qui veut être inconsolable, c’est lui disputer la seule consolation qui lui reste. »
      🙂

  2. catherine says:

    Alors là cher Lorgnon, j’en reste interdite !
    Merci à vous et à Marie du Deffand.
    (Sinon, au cas où quelqu’un se serait reconnu dans les symptômes décrits ci-dessus, ce n’est pas natrum phosphoricum mais natrum muriaticum bien sûr).
    Bien à vous,

    1. C’est votre science latine qui me laisse interdit. Je viens de lire que votre « natrum muriaticum » soigne le sujet qui « se cache pour pleurer, ne veut pas être consolé »… Je pense à Henri Calet : « Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. » C’est la phrase ultime de son dernier livre, « Peau d’ours », inachevé, publié chez Gallimard en 1958.
      🙂

    2. Sophie Plantade says:

      Natrum muriaticum, c’est le sel de la mer (et des larmes qu’il retient justement). Le profil correspondant est aussi aggravé au bord de la mer, mais ne peut s’empêcher d’y passer ses vacances… Boris Cyrulnik est typique de Natrum muriaticum : l’inconsolable, si pudique et vulnérable, qu’il préfère parler de la souffrance des autres que de la sienne.

  3. Catherine says:

    Les petits latinistes trimbalent leur Gaffiot sous le bras, il est tellement énorme qu’il ne tient pas dans le cartable. Ils ne savent pas où se trouve la salle 217 et sont prêts à fondre en larmes pour peu qu’on leur parle gentiment.
    Puis le Gaffiot rapetisse d’année en année, et des décennies plus tard il ne semble plus si gros sur l’étagère.

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Patrick Corneau