captureferli16Je suis dans le TGV Paris – Angoulême. Le train démarre et je plonge dans PI, film culte*, loué 2,99€ sur iTunes et téléchargé sur mon iPad. Levant la tête, j’aperçois dans le sas deux blacks** avec des bonnets, ils ont l’air fébrile, aux aguets, jetant vers le couloir des regards d’oiseaux effrayés.
Deux contrôleurs à casquettes, genre Dupond et Dupont, passent et lancent un Bonsoir M’sieur Dames à la ronde. Les deux blacks attrapent leurs baluchons et s’enfuient vers la tête du train (voyage à l’œil garanti au moins jusqu’à Tours).
Je replonge dans PI. L’image est un peu saccadée, les sièges tremblent, nous avons atteint la pleine vitesse.
Je sens une légère pression sur mon bras: le contrôleur est là. Dupont ou peut-être Dupond. La casquette au ras des yeux, le front doit être bas. Je présente ma carte et mon coupon d’abonnement. Son regard me transperce et balaye alternativement ma photo sur le coupon et mon visage. Ok, je suis bien le titulaire. Léger regard latéral sur la date de validité. Ok, en règle. Il flashe ma carte Grand Voyageur. Pas de réaction. Il reflashe: rien. J’voustrouvepas! J’avance mon iPhone avec le texto de confirmation reçu la veille. Il jette un regard incrédule. Date de naissance? xx-xx-19xx. Attente. J’vousaitrouvé, z’êtes dans ma base. La SNCF vous souhaite un agréable voyage et il disparaît.
Je pense soudain aux deux blacks qui se sont carapatés: ils ne sont dans aucune base de données EUX. Ils sont LIBRES. Ils n’existent pas…
Être ou ne pas être dans une base de données, voilà le dilemme de notre condition existentielle.
Nous en sommes là.
Cela me rend mélancolique. Un peu. Comme le nombre PI.

*Film américain de Darren Aronofsky, thriller psychologique sorti en 1998.
**Lire « deux personnes de la minorité visible » ou « deux individus issus de la diversité ».

Illustration: Photographie « Lux Fecit » Flickr.

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Patrick Corneau