1322ferli15Quand je croise la tête baissée d’un quidam sur un livre dans le métro, j’ai pour lui un regard admiratif et compassionnel. Compassionnel car j’ai de plus en plus l’impression d’avoir devant moi un des derniers lecteurs, un des derniers habitants de feu la galaxie Gutenberg. Un léger balayage du regard dans la rame montre en général 10 visionneurs pour un lecteur. Le grand remplacement de la lecture par le visionnage a déjà commencé. Et nonobstant les allégations de Madame Vallaud-Belkacem, dans un monde d’images où les « Youtubers » ont plus d’influence que l’Académie française* ou l’Éducation nationale**, il devient pensable, envisageable que la lecture disparaisse. Non seulement qu’on ne la pratique plus, mais qu’on ne « croit » plus en sa nécessité. Il m’arrive aussi de penser que si la possibilité qu’un Donald Trump devienne président des États-Unis se banalise de plus en plus, alors c’est que ce monde sans lecteurs est déjà là…

*La « Semaine de la langue française et de la francophonie » qui s’est déroulée du 12 au 20 mars (date de la Journée internationale de la Francophonie), n’était-elle pas le chant du cygne ou, plutôt, le chant du signe?
** Un récent reportage du Journal de France 2 montrait que de plus en plus d’élèves des lycées et collèges délaissent les cours de leurs professeurs pour les chaînes YouTube des vulgarisateurs de sujets scientifiques plus ludiques, plus « fun »…

Tiens, lu dans 01net du 13 avril : la cerise qui fait déborder le vase…
12961362_10209385163247183_1949426478764672642_oIllustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique (la dame au premier plan « visionne » un livre d’images acheté chez Gibert Jeune, la seconde à l’arrière-plan lit en surlignant au Stabilo jaune certains passages).

  1. Célestine says:

    Je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression d’avoir déjà lu cet article. D’avoir déjà eu ce frisson d’inquiétude, que dis-je…d’effroi, à l’idée que j’aurai passé toute ma vie à donner à mes élèves le goût de la lecture, et que mon travail n’aura pas eu plus d’efficacité que celle du petit garçon de l’histoire qui empêchait la mer de faire céder la digue en colmatant la faille avec son doigt…
    ¸¸.•*¨*• ☆

    1. J’aimerais me tromper mais il est prouvé que l’acte de lecture devient progressivement une opération neuro-cognitive incompatible avec l’usage intensif des écrans. Dans quelques années on « déchiffrera » Balzac comme on le fait de Tite-Live ou Sophocle aujourd’hui dans les rares et dernières classes de langues anciennes. Les régressions sont proportionnelles au niveau de civilisation atteint par les sociétés humaines.

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Patrick Corneau