« Dernièrement, empruntant le célèbre pont des Arts à Paris — ce que je n’avais plus fait depuis un certain temps —, je découvris que les grillages qui garnissent les balustrades étaient constellés de milliers de petits cadenas refermés sur eux-mêmes où les amoureux avaient inscrit leurs noms au feutre indélébile. Cette coutume nouvelle, charmante au premier abord, me fit, en y repensant après coup, un effet troublant: comme si tous ces petits objets censés maintenir longuement le souvenir de leur passage sur la passerelle mythique (au-dessus de la belle eau verte de la Seine) étaient allégoriques de la profonde angoisse de mes contemporains dans un monde effectivement cadenassé de toutes parts. »
Denis Grozdanovitch, Petit éloge du temps comme il va, Folio 2€.
Une jolie invite à « révérer les alternances des variations atmosphériques »: le temps qu’il fait et celui qui passe, la météo et les temps morts. Plus qu’une délicieuse promenade littéraire (Stendhal, Saint-John Perse, Morand, Nicolas Bouvier), un éloge de la liberté intérieure, laquelle s’obtient avec la recherche de « petits riens superflus qui sont le sel de la vie ». Une désinvolture légèrement mélancolique qui n’est pas sans profondeur.
Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.
Cette idée de cadenasser son « amour » m’a déjà inspiré quelques phrases, je me permets de les partager ici :
2057. Un amour cadenassé sent vite le renfermé.
3594. Tous ces cadenas accrochés… je n’ai pourtant jamais vu quelqu’un voler un pont !
3598. Alliance au doigt, forme de cadenas.
😉
Le cadenas n’a pas l’air de cadenasser votre inspiration au moins! 😉