1310987-Antoine_Watteau_la_Proposition_embarrassanteferli4Élégante comme un tableau de Watteau, une célébration sensible, érudite, passionnée de l’esprit du XVIIIe siècle sous le prisme du libertinage et de la notion de liberté de Chantal Thomas.
La préface que l’écrivaine donne à ce beau recueil de textes sur Casanova, Sade, Crébillon fils, mais aussi Mozart, Tiepolo ou Fragonard, s’ouvre par un hymne à la lecture que l’on ferait bien de méditer dans les lycées et collèges:
« On ne dira jamais assez de quelles possibilités de voyages immobiles, de voluptés inédites, de pensées neuves, de forces de résistance et de distance, se privent les gens qui ne lisent pas. Pour qui aime lire – et plus la découverte est précoce mieux c’est la répétition morne du quotidien, les trajets obligés, la dureté de renfermement, internat, hôpital, prison, se trouvent, sinon abolis, du moins allégés. II se peut aussi qu’un livre nous transmette l’énergie de changer une situation, de traverser une catastrophe, de se sauver. Dans Le Froid de Thomas Bernhard, la découverte de Dostoïevski va aider l’adolescent à survivre: ‘La monstruosité des Démons m’avait donné de la force, montré un chemin, dit que j’étais sur le bon chemin, pour sortir.’105097-184x300
(…) Le critique ne se guide pas à 1’instinct. Au moins explicitement. II donne voix au texte qu’il commente, le démultiplie. II se transporte en pensée à l’intérieur d’une pensée davantage qu’à l’intérieur de quelqu’un. Mais, en vérité, comment séparer nettement les deux? C’est davantage une affaire de degrés. Plus la lecture est imaginative et sensuelle, engagée dans des choix existentiels, et moins la limite sera fixe. Le critique, alors, prolonge une pensée, l’explore, joue avec elle, entre dans un dialogue imaginaire avec l’auteur et avec ses textes. Cet auteur, ses livres, font partie de lui-même. Ils ne sont pas seulement des références intellectuelles, mais des alliés, des suppléments de soi, une façon de se livrer indirectement, de s’avancer masqué. Ne pas lire revient à ignorer un plaisir d’exploration, mais aussi à se priver de cette vie intérieure et mobile, secrète, qui ne cesse d’évoluer et de s’enrichir. »
Chantal Thomas, Un air de liberté – Variations sur l’esprit du XVIIIe siècle, Payot-Rivages, mars 2014.

Jusqu’au 21 juillet le musée Jacquemart-André propose De Watteau à Fragonard, les fêtes galantes – Le temps de l’insouciance, une grande exposition autour de la peinture française du XVIIIe siècle, et plus précisément sur le thème des fêtes galantes : un genre fait de confidences, de délassements, de jeux badins et amoureux dans des décors de théâtres de verdure et de jardins. Une promenade riche, charmante et nostalgique à ne pas manquer.

Illustrations: Antoine Watteau, La Proposition embarrassante (vers 1715-1716) / Payot-Rivages.

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Patrick Corneau