Madrid – Au sortir du musée du Prado nous décidons une pause happy hour au Westin Palace. Alors que nous sirotons nos martinis sous la majestueuse coupole du grand salon, une agitation s’empare soudain du personnel de service. Nous comprenons qu’un évènement se prépare. Une réception pour un mariage people dans la haute société madrilène. Une véritable rafale de couples en lamé & smoking se déverse alors dans la salle. Femmes impeccables partageant le même uniforme, tenues de soirée à la stricte élégance parfois brisée par une jupe haut fendue, un décolleté profond ou un lip-gloss débordant. Beaucoup de blondes méchées, coiffées, « casquées » à la lionne, peaux caramélisées des corps gonflés, liftés, emperruqués, vivantes preuves des miracles de la rhino- et de la mammoplastie qui hurlent le désespoir d’une jeunesse éternelle. Ces tours montées sur des sandales ou escarpins subtils aux talons meurtriers, aux cambrures impossibles, effondrées aux côtés d’époux interchangeables – sourires carnassiers vissés sur de belles têtes molles.
Soudain face à ces visages durs ou indifférents si ostensiblement satisfaits d’être ainsi protégés, c’est la cruauté de la scène qui s’impose. En même temps que l’admirable abnégation de cette élite madrilène à la comédie sociale, à la quête du status symbol – lieu de la lutte féroce pour la place, le pouvoir et l’image si virulente dans ce milieu comme dans toutes les capitales européennes.

Illustration: Dôme en vitraux du grand salon du Westin Palace de Madrid (hôtel construit à la demande du roi Alphonse XIII en 1912), photographie ©Lelorgnonmélancolique.

  1. roma says:

    (Abnégation, en théologie = Détachement de tout ce qui n’a pas rapport à Dieu). cette comédie sociale elle la produit, en tire sa plus-value; ce qu’elle diffuse c’est la peste brune. N’ayons jamais la dent assez dure à l’égard de la culture oligarchique, elle a la haine de la comédie sociale, son triste miroir, dont elle ne parvient pas à détacher son regard.

  2. V. says:

    Uniformes, plastiques entièrement reconstituées, équipements ad hoc et le splendide « escarpins subtils »… tout y est. Derrière son lorgnon, votre oeil ne rate rien. Réjouissant !

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Patrick Corneau