Le gitan n’est pas une persona grata dans nos villes. Raison de plus pour lire son Évangile. Comme dit Christian Bobin, le frère en poésie de Jean-Marie Kerwich, « Un va-nu-pieds nous redonne les clés du ciel qu’on pouvait croire à jamais perdues. »

Les étoiles

Aujourd’hui le vent a surpris les habitants et s’est adonné à ses folles bourrasques comme un vieux gitan en colère à qui on a refusé un emplacement pour sa roulotte. Alors j’ai réalisé à quel point je souffrais. Je souffre, tous souffrent, tous ces frères inconnus qui savent ce que je ressens, là où les inconditionnels de la bêtise festive, avec leur vie éphémère, ne compren­nent rien. Je ne veux pas être l’ami de l’été, car la joie nous fait trop oublier la tristesse, cette tendre fille aux cheveux mouillés par la pluie, qui grelotte en regar­dant une église sourde-muette. S’il faut être heureux d’un bonheur idiot il vaut mieux rester triste, car la tristesse est la seule à savoir nous consoler. On croit que les étoiles sont dans le ciel mais elles sont sous nos pas. On les écrase. Ce qu’on voit briller dans la nuit, ce sont leurs cris.
L’Évangile du gitan, Jean-Marie Kerwich, Mercure de France, 2008.

Illustration: photographie de Laurent Laveder

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Patrick Corneau