Alors que l’on commence à nous bassiner avec la « rentrée littéraire », que de futiles spéculations concernant les « prix » ne vont pas tarder à suivre, il est bon de revenir aux fondamentaux…

[Réponse de Witold Gombrowicz à l’enquête du mensuel Zycie Akademickie sur la jeunesse polonaise en exil, Londres, 1954, N°2/3 (47/48)]

« Mon conseil avant de mourir?

Je vous conseillerais – si cela pouvait servir à quelque chose – de vous efforcer de redonner un peu de sang à la littérature polonaise.

La littérature est extrêmement facile: c’est pourquoi elle est extrêmement difficile. Un récit, un poème, un roman – rien de plus simple, n’importe quelle ménagère en est capable. Mais de là à pénétrer sur ce terrain où la parole devient incisive…

Pour y parvenir, voici ce que je vous propose: aucune docilité, aucune modestie. Cessez d’être des petits enfants sages. Soyez présomptueux, arrogants et désagréables. Une bonne dose d’anarchie et d’irrespect absolu vous serait utile. Soyez également délicats, narcissiques, hypersensibles, égocentriques et égoïstes. Et puis, attrapez aussi quelques maladies chroniques. En outre, soyez fantaisistes, irresponsables, ne craignez pas la bêtise et la bouffonnerie. Sachez que la crasse, la maladie, le péché, l’anarchie sont vos aliments. Et si mon conseil vous paraît par trop paradoxal ou peut-être malsain, consultez n’importe quelle biographie d’artiste. L’art n’est pas l’œuvre de charmeurs polis sous tous les rapports, c’est l’affaire d’hommes dramatiques. On peut écrire des nouvelles et des poèmes d’une autre manière, mais… »

Witold Gombrowicz, traduit par Ch. Jezewski et D. Autrand.

Illustration: Witold & Rita Gombrowicz, photographie de Piotr Kloczowskis.

    1. Cédric says:

      Je suis une œuvre mais je n’en serai jamais l’artiste.

      Un vrai artiste n’a pas d’œuvre « à lui ». Le « son œuvre » ne tient pas. Vulgaire prétention d’un ‘moi’.

      Déployer la version la plus aboutie de soi ( ‘soi’ en tant que l’humanité tout entière, et pas un vulgaire individu ) quel que soit le support, voilà l’ « œuvre » !

      Faire ‘quelque chose’ et puis dire « voilà mon oeuvre à moi, que c’est moi qui l’ai fait !  » est totalement ridicule, n’importe quelle « ménagère » (pour reprendre le mot plus haut) en est capable. J’ai lu quelques-unes de vos « poésies » (je vous vouvoie, moi), c’est cela de l’Art ?? une œuvre ?? mais je ne vais pas parler à votre place, à vous de me dire ce que vous prétendez faire.

      Ne faut-il pas d’abord se créer ‘soi’, c’est-à-dire détruire tout de ‘soi’ en tant qu’individu, avant d’envisager seulement de ‘faire quelque chose’. Devenir l’humanité avant de prétendre parler ( écrire, peindre, sculpter,…) en son nom. Si c’est seulement pour ‘faire une œuvre’, tant en font, à quoi bon !

      Non, cher gmc, je n’ai encore rien ‘fait’.

      Bien à vous.

  1. gmc says:

    « Faire ‘quelque chose’ et puis dire « voilà mon oeuvre à moi, que c’est moi qui l’ai fait ! » est totalement ridicule, n’importe quelle « ménagère » (pour reprendre le mot plus haut) en est capable »
    ….c’est amusant, pourtant c’est ainsi que se termine le zarathoustra de nietzsche^^

    tutoiement ou vouvoiement, aucune espèce d’importance, pures conventions; vous pouvez me tutoyer si tu en as envie.

    pour le reste, deux choses:

    « toutes choses sont libres du langage » (soutra de l’entrée à lanka, Vème s.)

    ITHAQUE

    Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et en expériences. Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni la colère de Neptune. Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, si ton corps et ton âme ne se laissent effleurer que par des émotions sans bassesse. Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni le farouche Neptune, si tu ne les portes pas en toi-même, si ton cœur ne les dresse pas devant toi.

    Souhaite que le chemin soit long, que nombreux soient les matins d’été, où (avec quelles délices !) tu pénètreras dans des ports vus pour la première fois. Fais escale à des comptoirs phéniciens, et acquiers de belles marchandises : nacre et corail, ambre et ébène, et mille sortes d’entêtants parfums. Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums. Visite de nombreuses cités égyptiennes, et instruis-toi avidement auprès de leurs sages.

    Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit. Ton but final est d’y parvenir, mais n’écourte pas ton voyage : mieux vaut qu’il dure de longues années, et que tu abordes enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse, riche de tout ce que tu as gagné en chemin, sans attendre qu’Ithaque t’enrichisse.

    Ithaque t’a donné le beau voyage : sans elle, tu ne te serais pas mis en route. Elle n’a plus rien d’autre à te donner. Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé. Sage comme tu l’es devenu à la suite de tant d’expériences, tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.

    Constantin Cavafis, 1911 (Traduction de Marguerite Yourcenar)

  2. Cédric says:

    Je vous pose une question, vous me répondez n’importe quoi, qui plus est avec des mots d’Autres que vous.

    Je me fous de ce qu’a pu écrire Nietzsche, de ce qu’il a voulu dire ou pas par la voix de son Zarathoustra, de ce qui que ce soit a déjà pu écrire ou dire. Curieux, j’ai pourtant lu la fin, il est dit « je ne recherche pas le bonheur, je recherche mon œuvre », vous êtes « à côté de la plaque » pour parler comme vous me tutoyez.

    Bref, vous faites très bien la ménagère, cher gmc, continuez.

    Bien à vous.

    1. Cédric says:

      J’ai essayé de l’entendre votre réponse, j’ai lu un patchwork de mots d’autrui sans queue ni tête. Ces ‘autres’ étant en l’occurrence ( Nietzsche, l’auteur de la « soutra de l’entrée à lanka  » et Constantin Cavafis ).

      Ma question n’était peut-être pas assez claire : je vous demandais, cher gmc, ce que, vous, vous prétendiez « faire », si ce que vous faites, vous le considérez comme de l’Art, comme une Œuvre ? Vous ne m’avez pas répondu, vous avez esquivé.

      Utiliser les mots d’autrui c’est démontrer sa petitesse.

      Bien à vous.

      1. gmc says:

        je n’ai nul besoin de le considérer, je le fais, c’est tout ou, plus exactement, cela advient.

        et ça ne me dérange absolument pas d’être considéré comme petit, les grands de ce monde m’ont toujours beaucoup amusé (tout comme les jugements de valeur, d’ailleurs).

        quand à entendre la réponse, ne pas oublier qu’elle est forcément à la hauteur de la formulation de la question.

        1. Cédric says:

          Mais, vous, gmc, vous considérez-vous comme petit ? Quel regard portez-vous sur vous-même ? voilà la question essentielle.

          Quant à ceci :  » quand à entendre la réponse, ne pas oublier qu’elle est forcément à la hauteur de la formulation de la question.  » (au passage, « quant » au lieu de « quand » histoire que vous évitiez (pour vous) de refaire la même erreur ) Que cela peut-il bien signifier ?

          Est-ce que vous vous rapetissez à la hauteur de celui qui pose la question ? C’est cela ? Ça n’est alors ni se respecter soi ni respecter l’autre. Si les Hommes n’avaient au cours de l’Histoire fait que se rapetisser au plus petit commun ignorant, le monde serait encore moins « avancé » qu’il ne l’est.

          Sérieusement, ne vous rabaissez pas à mon niveau, cher gmc, vous risqueriez de vous faire mal au dos.

          Bien à vous.

          1. gmc says:

            ça veut dire quoi « petit »?

            « vous vous rapetissez »: hors de propos, induit une perspective en terme d’échelle de valeur.

            « ni se respecter soi ni respecter l’autre »: formule toute faite avec des concepts liés à l’ambiance sociétale actuelle (idem pour les notions de soi-disant « dignité », du vent tout ça)

            « Si les Hommes n’avaient au cours de l’Histoire fait que se rapetisser au plus petit commun ignorant, le monde serait encore moins « avancé » qu’il ne l’est. »: celle-là m’a fait bien sourire, avancé par rapport à qui ou à quoi? vous vous croyez plus « évolué » que ceux qui vous ont précédé? tu crois que ta société infantile est « meilleure » que ses devancières?

            j’ai trouvé un truc dans le genre qui répond à la question: « je suis un âne, mais depuis que je l’ai découvert (et réalisé), je n’ai pas rencontré un seul homme qui en sache plus que moi ».

  3. Rodrigue says:

    Comprend pas ces querelles de bac à sables ! Tout artiste est traversé par son oeuvre. Les oeuvres ne sont pas comparables: une chansonnette n’a pas la même importance qu’une symphonie…

  4. elie says:

    … et hors querelle, juste signaler que ce texte de Gombrowicz a été publié ce printemps dans le volume de Jean Pierre Salgas, « Gombrowicz, un structuraliste de la rue », suivi de textes inédits de Gombrowicz sur « la littérature et le pays natal »… C’est toujours bon d’avoir les sources avant de se gueuler dessus, vous ne croyez pas? :

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Patrick Corneau