sgian.1295716142.JPGhmorganlettrine2.1295716338.jpgIl est là tous les jours que Dieu fait. Dehors. Dans la froidure et le cagnard. Selon la saison, il pousse les feuilles avec son souffleur ou les taille sur les haies. Il charrie les énormes containers poubelles, repeint la barrière automatique du parking. Il change la moquette dans les bureaux, remplace une serrure de porte. Il fait une bise furtive à la secrétaire et part en blaguant sur « les femmes ». En dix ans nous ne nous sommes pas dit trois mots. Mais dès que nous nous apercevons, nous nous faisons un petit signe. Sur son visage d’homme à tout faire, une expression désolante du genre, non, moi, dans la vie je n’irai pas plus loin. A quoi bon, il suffit d’être là. Partout et tout le temps on tombe sur son regard de clown triste alors qu’on ne croise guère les autres, emboîtés dans leur bureau, leur bâtiment, leurs attributions, leurs responsabilités, leur sens du devoir. Le voir me rassure, sa présence atteste une continuité. De quoi, je ne sais pas. Il sera là après mon départ. C’est le gardien du phare.

Illustration: photographie de Sgian Dubh Qajaq

  1. Rodrigue says:

    « sa présence atteste une continuité. De quoi, je ne sais pas. » Et bien je sais: celle de l’honnêteté et de la modestie humaine, qui fait que bon an, mal an, les sociétés continuent de fonctionner et que les barbares n’ont pas encore tout détruit. Car c’est bien grâce à ses milliers d’anonymes et de ratés que l’humanité garde une dignité qui la met au dessus des loups. Et ne disant cela je ne suis pas très gentil envers ces chiens sauvages…

    J’approuve totalement… 🙂

Répondre à RodrigueAnnuler la réponse.

Patrick Corneau