L

L’irrésistible pouvoir de l’écriture

538472560_20c48e9e95_o-320x200.1290104638.jpghmorganlettrine2.1290104739.jpgDans un désert où l’inculture croît, que la trivialité progresse dans les pages culturelles des journaux comme dans les facultés, la défense et illustration de la littérature et de ses bienfaits est toujours à faire ou à refaire. Parmi les arguments qui me touchent, j’en retiens trois, lus récemment. Le premier est une déclaration d’A. Finkielkraut dont Un Coeur Intelligent est la magnifique explicitation:
« Disons que je demande aussi à la littérature d’élargir ma palette. Sans la médiation des livres, je ne crois pas que je serais capable de voir le monde. En effet, l’expérience du sensible n’est pas une expérience immédiate. La routine, l’ennui, le morne accablement tiennent aussi au fait que nous manquons de mots pour discerner les choses. Les nuances de la vie ne nous sont pas données par la vie mais par l’art et par la littérature. »

Le second, disons plus radical, est la fin du chapitre 2 du dernier Philip Roth Exit le fantôme:
« Pourtant (…), il m’avait paru d’une nécessité urgente de me mettre à écrire, dès la porte refermée, les conversations qui n’ont pas lieu entre elle et moi, plus émouvantes encore que celles qui ont lieu, la « Elle » imaginaire atteignant en plein cœur son personnage comme ne pourra jamais le faire la « elle » de la réalité. Mais le lot de douleur qui nous est imparti n’est-il pas en soi assez insupportable pour n’avoir pas à l’amplifier par la fiction, pour n’avoir pas à donner aux choses une intensité qui, dans la vie, est éphémère et parfois même non perçue? Pour certains d’entre nous, non. Pour quelques très, très rares personnes, cette amplification, qui se développe de façon hasardeuse à partir de rien, constitue leur seule assise solide, et le non-vécu, l’hypothétique, exposé en détail sur le papier, est la forme de vie dont le sens en vient à compter plus que tout. »

Le troisième recueilli dans l’excellent Céline de Sollers (Ed. Ecriture):
« De toute façon, la systématique mise en image de la réalité ne laisse à l’écrivain que l’intérieur direct qui est donc redevenu le grand mystère, la denrée rare, puisque l’histoire entière est manipulée comme un film. »

La vie est un roman qui a besoin d’être réécrit disait Julien Green…

Illustration: photographie de Renaud Camus (son cabinet de travail à Plieux [j’aime beaucoup le lutrin pour ordinateur portable…])

Tags
  1. Natacha S. says:

    «La vie est un roman qui a besoin d’être réécrit». Savez-vous d’où vient cette phrase de Julien Green?
    Merci de ce billet, belle association d’auteurs que je ne verrais pas forcément ensemble!

    Je n’ai pas la source exacte, mais il me semble que c’est dans son Journal. 🙂

  2. Pingback:Scholarships for African Americans

Laisser un commentaire

Patrick Corneau