img_0327.1291066423.JPG« … car sachez, Monsieur, qu’il y a une dizaine d’années, j’ai commencé à esquisser tout d’abord au crayon, timidement et rêveusement, tout ce que je produisais, ce qui bien sûr devait imposer au processus d’écriture une lenteur traînante, presque colossale. Je dois au système du crayon, qui  va de pair avec un système de copie parfaitement conséquent, et comme bureaucratique, de véritables tourments, mais ces tourments m’ont enseigné la patience, en sorte que je suis devenu un maître dans l’art de patienter […]. En ce qui concerne l’auteur de ces lignes, il y eut un certain moment en effet, il se trouva pris d’une terrible, d’une effroyable aversion pour la plume, un moment où il fut fatigué à un point que je peux à peine vous décrire, il devenait tout stupide pour peu qu’il commençât seulement à s’en servir, et pour se libérer de ce dégoût de la plume, il se mit à crayonner, à esquisser, à batifoler. Pour moi, à l’aide du crayon, je pouvais mieux jouer,  composer; il me semblait que le plaisir d’écrire pouvait alors reprendre vie. Je vous assure qu’avec la plume (cela avait commencé à Berlin), j’ai vécu une véritable faillite de la main, une sorte de crampe, de pince, dont la méthode au crayon m’a libéré difficilement, lentement. Une impuissance, une crampe, un étouffement sont toujours quelque chose de physique et de mental à la fois. Je passai donc par une période de délabrement qui en un sens se refléta dans l’écriture, dans la dissolution de celle-ci, et c’est en recopiant mon modèle au crayon que comme un gosse, j’ai réappris à écrire. »
Lettre adressée le 20 juillet 1927 par Robert Walser à Max Rychner, rédacteur de la Neue Schweitzer Rundschau avec qui Walser collaborait.

hmorganlettrine2.1291066544.jpgParfois, lorsque je pianote sur mon clavier, voyageant dans le virtuel, ma main a des fringales de scribe sédentaire. Quelque chose d’informulé l’appelle à cela: elle désire écrire. Et avec un instrument des plus simples, des plus rustiques, des plus primitifs: un « crayon de bois ». A cause des admirables traces de charbon qui, là sur la feuille, se maintiennent mieux qu’ailleurs – tremblantes graphies qui parlent aux cœurs des hommes.
Stakanovistes du clavier, la révolution du crayon est en marche! Le royaume du crayon sous toutes ses formes, usages est ici!

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.

  1. Natacha S. says:

    Le crayon, oui… Mais il fait mauvaise mine aux gauchers, qui le gomment déjà une fois rien qu’en écrivant, même s’ils utilisent un buvard.
    Le Pentel Pen Sign, avec sa mine de feutre ou de bois tendre (?) et son encre bien distribuée m’a sauvé la mise.
    Détail amusant: depuis 1967, j’en trouve au même prix, tandis que je paie mon loyer 6 fois plus cher! Le fabricant doit être un ami des écrivants gauchers!

    Vous m’avez mis l’eau à la bouche (si l’on peut dire): je vais l’essayer. Pour les crayons rien ne surpasse le fameux « Palomino Blackwing »!

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Patrick Corneau