MY COACH IS RICH BUT MY ABILITY IS POOR ou comment devenir un héros des temps modernes en cinq leçons…
« L’école républicaine a échoué. Et, avec elle, les parents soixante-huitards permissifs qui n’ont voulu transmettre à leurs enfants ni valeur, ni savoir-faire, ni savoir-être. Il n’y a qu’à regarder autour de soi. Les adultes sont aujourd’hui démunis, privés de repères, à peu près incapables de s’assumer. Mais, du fond de leur conscience, une voix lointaine et ténue leur chuchote que le mieux est possible. Ils peuvent apprendre à séduire, maigrir, manger mieux, gérer mieux leur argent, vendre leur appartement, acheter une maison, cuisiner, faire le ménage, élever leurs enfants, canaliser leurs ados, faire du sport, méditer, avoir une sexualité épanouie, rebâtir leur couple, changer leur look, leur coiffure, leur maquillage, trouver les couleurs qui leur vont, gérer une équipe, un projet, monter, développer une entreprise, retrouver un emploi, trouver un meilleur emploi, accompagner un grand malade, un mourant, faire leur deuil, se préparer à leur mort…
Bref, ils ont besoin d’un coach et, pour être honnête, ils vont avoir l’embarras du choix.
Le coach, c’est un adulte qui – on ne sait comment – a surmonté le handicap de ses parents soixante-huitards et de l’école où l’on a cessé d’apprendre. Lui, il sait. Il sait et il sait bien. Il sait même si bien qu’il peut montrer aux autres. Il donne des conseils. Ou, plutôt, il les vend. Il est comme le père de monsieur Jourdain, il donne des conseils à ses amis en échange d’argent.
Il est en outre un vivant conseil. Il est bien de sa personne, il est mince, il est bien habillé, coiffé, maquillé avec discrétion. Il a une nourriture saine et appétissante. Il est séduisant, mieux, il est sympathique. Il a de l’humour, il dédramatise. Il est compétent. Mais, attention, il peut se montrer ferme. Il n’est pas là pour s’amuser ni pour amuser la galerie. Il est là pour réussir. Et vous? Êtes-vous là pour réussir? Oui? Oui? Il n’a pas bien entendu. Bon, voilà, vous avez réfléchi. Vous êtes décidé à l’écouter maintenant? C’est pour votre bien, parce que lui, n’est-ce pas, il n’a plus rien à prouver.
Le coach peut, en entreprise, porter d’autres noms. Il fait du conseil personnalisé. Il est un consultant. Il fait du consulting en quelque chose.
Il porte un costume. Il lui faut des résultats. Tangibles. Il les affiche. Il a fait ses preuves. Vous le demandez. On vous l’offre. On vous l’impose. Prenez-le comme une opportunité pour booster votre carrière.
Le coach personnel, on le choisit. On a un bon feeling. Il indique avec l’air de ne pas y toucher les noms de ses clients prestigieux. Il fait des allusions à ses plus éclatants succès, à ses méthodes éprouvées, à son expérience.
Le coach n’est pas à la portée de tout le monde. Question d’argent. Question de timidité. Et puis, où chercher? « Qui peut-ce être? Qu’est-il devenu? Où est-il? Où se cache-t-il? Que ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir? »
Bienveillante, la télévision se charge éventuellement d’offrir les services gratuits d’un coach éprouvé, voire de renommée internationale (du moins dans le domaine de la danse ou de la chanson). Il suffit de consentir à exhiber son intimité, ses travers, ses ridicules, ses souffrances, ses complexes, ses désarrois devant un public variant de un à sept millions de personnes suivant l’heure et la chaîne. Le jeu en vaut la chandelle.
Le psy vient chez vous. Il voit bien que vous êtes une maniaque du ménage, maladive. Vous pourrissez votre vie et celle de votre famille. Devant l’écran, les gens se demandent bien comment votre mari supporte ça. Pourquoi il ne vous a pas encore quittée. Le psy met en place une thérapie comportementale. Merveille. Vous lâchez prise sur les produits d’entretien. Le psy ne s’arrête pas là. Au milieu de larmes, et face à la caméra, vous lui confiez que votre père vous prenait pour une moins que rien. Vous avez voulu lui prouver par le ménage que vous étiez parfaite. Embrassades, réconciliation générale. Remerciements et effusions pour le coach: « Vous nous avez sauvés. » Il s’éloigne, solitaire, vers de nouveaux sauvetages.
Un autre coach se présente en deuxième partie de soirée. Celui-là vient au contraire faire ce ménage qui, tout à l’heure, vous faisait ricaner. Des travellings soignés (ils sont les seuls à l’être) et des gros plans accablants révèlent les immondices au milieu desquels vous vivez. La crasse le dispute au laisser-aller. Les pintades nichent sur le canapé. Les poubelles ne sont jamais sorties. La baignoire ignore jusqu’à l’existence des éponges. Ici, pas de psychanalyse. Du muscle. Vous vous rachetez aux yeux écarquillés et dégoûtés de téléspectateurs par l’huile de coude. La maison est transformée. Votre vie est transformée. Vous n’auriez jamais cru. Merci, merci ! Le cri du cœur. Le coach triomphant repart, l’aspirateur sous le bras.
Le concept se décline sous une grande variété de formes. Vous êtes obèse, vous êtes attifé, vous êtes aussi féminine que Leonid Brejnev, vous accusez dix ans de plus que votre âge, vos enfants sont infernaux. Le coach va vous aider. À fond. Là où le professeur de bonnes manières se contentait de désigner la fourchette adéquate, le coach vous donne des leçons de vie. Là où le prof de tennis vous faisait travailler sans fin votre service, le coach vous apprend à vous connaître vous-même. Le coach a réinventé la philosophie socratique. Merci! Merci! »
Bénédicte Vergez Chaignon, « Les 30 ans du Débat », Le Débat numéro 160 – mai-août 2010.
Illustration: reportage vidéo Journal de France2 (18/10/2010).
On sait que le président de la Répubique est « coaché » sur le plan physique et notamment périnéen.
Concernant sa politique même, en dehors des « conseils » de MM. Raymond Soubie, né le 23 octobre 1940 et n’ayant toujours pas pris sa retraite (son sujet de prédilection) et Henri Guaino, auteur du lamentable discours de Dakar, Nicolas Sarkozy semble à l’heure actuelle complètement désarçonné concernant la stratégie à mettre en oeuvre face à « l’agitation » populaire.
Il pourrait lire Machiavel, si le livre lui tombait sous les yeux, mais il semble qu’il préfère actuellement, pour combler un certain retard dans son éducation, s’attaquer à la Princesse de Clèves dont on lui a dit qu’elle viendrait bientôt déjeuner à l’Elysée.
Un psy pour son âme, des tas de médecins pour le corps, pourquoi pas un coach pour la cuisine et apprendre à ranger ses boîtes en plastique? On en revient toujours à ce foutu désordre et à nos angoisses. Alors, par un bout ou par un autre, pourquoi ne pas se battre?
Vous vous moquez? Tout est-il si clair (propre en ordre, dit-on en Suisse) dans votre vie? Et plus vrai: êtes-vous tout content de vous-même et savourez-vous vos angoisses jusqu’à vouloir les garder?
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