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« Qu’est ce qu’un homme? Un misérable petit tas de secrets… » Malraux, Antimémoires.

hmorganlettrine2.1272528473.jpgPour comprendre ce que nous avons perdu dans la dictature de la transparence et la tyrannie de l’authentique, l’omniprésence du Spectacle et l’étalage de l’indiscrétion, il faut lire l’article « Diaphanologie » du Portatif de Philippe Muray et rouvrir quelques classiques dont les admirables nouvelles de Tchekhov.

« Il vivait deux vies, l’une visible, que tous voyaient et connaissaient si elle les concernait, pleine de vérité conventionnelle et de mensonge conventionnel, ressemblant parfaitement à la vie de ses amis et connaissances, et une autre, qui se déroulait dans le secret. Par un étrange concours de circonstances, fortuit peut-être, tout ce qui, pour lui, était important, intéressant, indispensable, en quoi il était sincère et ne se trompait pas lui-même, se déroulait en cachette des autres, tandis que tout ce qui était son mensonge, son enveloppe, dans laquelle il se cachait pour dissimuler la vérité, comme par exemple son travail à la banque, les discussions au cercle, ses allusi­ons à la « race inférieure »*, sa présence avec sa femme à des commémorations, tout cela était visible. Jugeant des autres d’après soi, il ne croyait pas à ce qu’il voyait et supposait toujours que, pour chaque homme, c’était sous le couvert du secret comme sous le couvert de la nuit que se déroulait sa vraie vie, la plus intéressante. Toute existence personnelle se fonde sur le secret, et peut-être est-ce en partie sur cela que l’homme civilisé s’énerve tant pour que le secret de la vie privée soit respecté. »
« La Dame au petit chien », Nouvelles, Tchekhov, traduction de Vladimir Volkoff, La Pochothèque.

Ci-dessous scène finale de « Les yeux noirs » de Nikita Mikhalkov d’après Tchekhov avec Silvana Mangano dans le rôle d' »Elisa » et Marcello Mastroianni dans le rôle de « Romano » où ce dernier « dit la vérité » sur la liaison qu’il vient d’avoir avec une jeune femme russe…

* Il s’agit des femmes en l’occurence.

Illustrations: Gallimard / Extrait de « Les yeux noirs » de Nikita Mikhalkov (1987).

  1. Anna F. says:

    Une fois de plus, ici, un magnifique extrait. Celui des « Yeux noirs ». Pendant longtemps, je ne me suis souvenue que des premiers mots de cet ultime instant : « Pour une fois dans ton existence … ». Et moi, innocente que je suis, combien de fois suppliante, mais arrogante aussi, j’ai demandé la même chose, avec les mêmes mots, comme si cette « menace » allait obliger un menteur à dire la vérité. Merci cher Lorgnon.

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Patrick Corneau