gervex_cinq_heures_chez_paquin.1248450689.jpghmorganlettrine2.1248468552.jpgTout le monde il est gentil, beau, drôle sur Facebook. Le Facebooker de base croule sous des amis plus « sympas » les uns que les autres et il s’éclate en permanence. Les photos qu’il affiche ne sont jamais vulgaires mais fun. Il vous harcèle de ses « Duchemol vous a envoyé un message… » car il a toujours un truc à faire ou à dire digne de 3 secondes et demi d’attention. Son « statut » est un think tank permanent sur le mur des lamentations. Il passe des heures à trouver le jeu de mot le plus obscur ou le plus cultivé. Lequel va titiller les plus malins qui riposteront par un jeu de mots encore plus tordu et plus « mortel », ce qui donne à cette foultitude d’amis l’illusion de faire partie d’une communauté très très happy few.
Sur Facebook, tout le monde il a fait des études Bac + 9, tout le monde il travaille dans des boîtes prestigieuses avec des plans de carrière éblouissants et tout le monde il a des références littéraires, cinématographiques et artistiques classieuses. Sur Facebook, tout le monde il regarde Arte, est passé par le Festival d’Avigon et rentre des Seychelles.
Facebook, c’est aussi cet enthousiasme nunuche quand on a coincé la vieille branche perdue de vue depuis dix ans: pas de nouvelles depuis X, ouaaais, trop génial, on va se retrouver, t’as fait quoi depuis?
Et puis il y a ceux et celles qui n’ont pas réussi ou pas encore, ceux qui sont tombés malades, celles qu’on a laissées en arrière. Il y a ceux qui ont dû trimer pendant leurs études, celles qui les paient encore aujourd’hui. Quelques-uns ont tout envoyé balader et d’autres ont déménagé à l’autre bout de la planète. Il a eu des séparations, des déchirures, des drames, de la solitude, de grandes périodes de blues, de dépression et de doutes. Il y a eu le chômage, l’angoisse, la fin des illusions. Mais de tout cela, on ne parlera jamais sur my lovin’ Facebook.

Illustration: « Cinq heures chez Paquin », Gervex (1852-1929).

  1. Je comprends, moi, que vous êtes affilié au fameux réseau…
    On peut en savoir plus ? 🙂

    « Qui aime bien, châtie bien »… J’utilise le réseau avec modération, sans tomber dans ses ridicules, enfin j’essaie! 🙂

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Patrick Corneau