samueljohnpeploe6.1239535744.JPGhmorganlettrine2.1239692975.jpgDans la belle biographie lyrique de Christian Bobin*, un détail de la vie d’Emily Dickinson m’a laissé rêveur. A partir d’un certain moment de sa vie, la « dame blanche » vécut recluse, ne refusant pas les visites mais ne se montrant plus: elle ne descendait pas dans le hall, mais restait à bavarder à l’étage, invisible et par-là gardant pour l’autre le visage infroissable de sa jeunesse. Et C. Bobin de commenter: « En n’apparaissant presque plus à ses visiteurs tout en leur parlant depuis sa chambre, elle les délivre du fardeau de leur corps et fait d’eux des anges dont elle ne connaît que la voix. Les voix l’ont depuis toujours instruite de l’état du monde. Par elles – comme les nouveau-nés en proie à la terreur contemplative au fond de leur berceau – elle touche sans intermédiaire au ciel ou à l’enfer. »

Je me demande si nous ne faisons pas de même du haut, du fond de nos blogs. Des voix sans corps. Pour toucher quel ciel ou quel enfer?

*La dame blanche, folio, 2007.

illustration: Samuel John Peploe (1871-1935)

Tags
  1. Pat says:

    Je pense que le blog est plus un face à face avec soi-même qu’avec autrui.
    Un miroir où l’image renvoyée ne dit rien de plus sur soi que l’on sache déjà.
    Je ne connaissais pas Emily Dickinson que j’ai bien envie de découvrir. Merci.

  2. nomade says:

    Etrange cette vie de recluse volontaire se cachant pour des raisons de société. J’ai vu que sa soeur découvrit ses oeuvres après sa mort. Etrange destin que celui d’écrire sans vouloir se découvrir. A méditer par les cliques goncourtiennes et les claques renaudotistes…

Répondre à PatAnnuler la réponse.

Patrick Corneau