Hier, je mélancoliais sur la lumière qui change, sans me douter que, selon Roland Barthes, voir la lumière relève d’une sensibilité de classe. Les goûts n’existent pas ou presque pas; il n’y a que des états culturels, des positions, des partis pris idéologiques…
« Ce matin, la boulangère me dit: il fait encore beau! Mais chaud, trop longtemps! (Les gens d’ici trouvent toujours qu’il fait trop beau, trop chaud). J’ajoute : Et la lumière est si belle! Mais la boulangère ne répond pas et une fois de plus j’observe ce court-circuit du langage, dont les conversations les plus futiles sont l’occasion sûre; je comprends que voir la lumière relève d’une sensibilité de classe; ou plutôt puisqu’il y a des lumières pittoresques qui sont certainement goûtées par la boulangère, ce qui est socialement marqué, c’est la vue « vague », la vue sans contours, sans objet, sans figuration, la vue d’une transparence, la vue d’une non vue (cette valeur infigurative qu’il y a dans la bonne peinture et ce qu’il n’y a pas dans la mauvaise). En somme, rien de plus culturel que l’atmosphère, rien de plus idéologique que le temps qu’il fait. » Roland Barthes par lui-même, Roland Barthes, Le Seuil, 1976.
Et le bonheur dans tout ça? La nostalgie (qui est la conscience de l’épaisseur du temps)? Relèvent-t-ils d’une sensibilité de classe sociale, de classe d’âge, de niveau d’éducation, de degré de sophistication? Aurais-je récité (en toute sincérité) une « variable » d’une – de ma – fiche programmatique?
Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique
Un régal….quel plaisir de vous lire!
aaah Roland Barthes…
une des intelligences sociologiques les plus ignorées de ces dernières années, il me semble! et pourtant…
Quelle sensibilité, quelle intelligence dans l’analyse! la limpidité du raisonnement. A re-découvrir d’urgence!
Alban
Mais votre « mélancolie » sur ce blog est-elle identique à celle du mitron, la tête dans le four ?
« La vue d’une transparence » , tout est dit.